Transsibérien, de Dominique Fernandez, illustré par quelques photos de Ferrante Ferranti, est un récit de voyage. En 2010, à l'occasion de l'année de la Russie en France, une vingtaine d'écrivains, photographes, journalistes étaient invités à faire le voyage de Moscou à Vladivostok. Fernandez en a ramené ce court opus.
Fernandez nous conte sa Russie, celle de la musique, de la littérature russe beaucoup, mais aussi de la vie dans les villes du pays traversées par le transsibérien (ou ce qu'il a pu en voir). Le trajet était ponctué de visites, rencontres, débats et autres tables rondes.
Après que je l'ai refermé, ce livre me laisse un goût finalement déplaisant. Quelques pages enchanteresses (sur la taïga, sur Andreï Makine par exemple) sont mêlées à d'autres bien moins réjouissantes, particulièrement venant de quelqu'un comme Dominique Fernandez. Né en 1929, ouvertement homosexuel et militant (au moment du vote du PACS notamment), grand lecteur, grand connaisseur de l'Italie et du baroque, il n'a rien à prouver. Il laisse juste parler son cœur. Ça le gonfle d'aller voir un barrage sur l'Ienisseï, quel intérêt ? alors que la visite n'inclut pas d'aller voir la petite école de musique du coin, supposément bien plus intéressante. Va pour l'école de musique. Ce musée de la science, il n'ira pas le voir non plus, lui préférant la visite d'un théâtre. C'est vrai, qu'a-t-on à faire de la science soviétique ? En revanche, il fait de bonne grâce le tour des maisons constructivistes d'Ekaterinbourg, l'architecture blockhaus léninienne primant probablement sur l'ingénierie stalinienne. De la même manière, ses covoyageurs sont bien bêtes de ne pas aller voir un opéra quand l'occasion se présente ; c'est vrai, la musique est tellement consubstantielle à l'âme russe, quel déni de culture ! Ils auront simplement préféré une ballade en ville, imaginez, ils auront même pu boire un coup dans un bistro local quitte à échanger trois mots avec l'autochtone. Pourquoi s'abaisser à cela, vraiment ?
A longueur de pages, je trouve triste que quelqu'un que je pensais plutôt ouvert et progressiste d'esprit puisse avoir de telles barrières mentales et établisse de tels jugements préconçus, ce qu'il faut voir, ce dont on se passe, et plus encore qu'il nous dise en termes crus que ceux qui pensent le contraire ne comprennent rien à rien. Qu'un barrage construit à l'époque des grands travaux de Staline vaille a priori moins qu'une école de danse d'un bled paumé, que l'on m'explique.