Par FabriceD le jeudi 24 juillet 2014, 20:02
Dieu, le sixième jour, déjà bien fatigué,
Après les deux premiers nigauds,
En plus créa moult animaux,
Moins pour un bestiaire que pour un bêtisier.
Par souci d’économie, pour ne pas gâcher,
Il distribuait ailes et pattes,
Ici un foie, là une rate.
Il se débarrassait de tout ce qui restait.
Pour écouler une tête, naquit un narval,
Animal disparu depuis.
Quel grand soulagement pour lui
Qui nageait si gauchement, étant bicéphale.
D’autres restèrent, dont je veux vous conter l’ode :
La girafe au long cou, un jour,
Une autre fois, les anoures.
Mais, pour ce soir, nous traiterons des myriapodes.
(Nous laisserons de côté la myriapodette
Qui, son histoire étant moins triste,
De ce récit quitta la piste,
Pour ne pas voler à son mari la vedette.)
Commençons : la scène se passe au jardin d’Eden :
Hommes et bêtes, encore idiots,
Vivaient avec notre héros,
Dans la paix molle d’un infini week-end.
Pour dîner, il s’installait près du premier homme
Et dévorait, peu regardant,
Ce qui lui tombait sous l’Adam
Dont — jour funeste que ce jour-là — une pomme.
Aussitôt la bestiole, se pourléchant le bec
(Contre l’anatomie, quels crimes
On peut commettre pour la rime !)
Apprit le latin, l’araméen et le grec.
Moi, myriapode, il me faut dix milles pieds !
Et comme il avait tout le temps
De les compter précisément,
Vite, il s’y attela en s’aidant d’un boulier.
Aucun des résultats ne fut vraiment exact :
Il trouva même un nombre impair
Sans voir de patte surnuméraire.
Mais à dix mille, jamais il n’y arriva.
Le myriapode français n’a que mille pattes,
Se dit-il pour se consoler
De la rareté de ses pieds.
Hélas, même ce nombre allégé il le rate.
Alors, honteux, il se cache sous un caillou.
Blessé par l’étymologie,
Il en fait son logis
Et jure de ne plus jamais quitter son trou.
Comme lui, les lecteurs de mes vers bricolés
(Puisqu’il me faut une morale.)
Peuvent bien s’épargner le mal
De compter les pieds, pour ne pas me les casser.