Condensé de week-end
Par FabriceD le lundi 3 janvier 2005, 02:19 - Omphaloscopie - Lien permanent
Qu'est-ce qui reste d'un week-end comme celui-ci ?
Je pourrais vous parler de la santé de mes grands-parents (préoccupante), de la taille de mon foie (en augmentation constante) ou de ce que toute ma famille me met désormais la pression pour que je me trouve une copine aussi mignone et sympathique que celle de mon frérot.
Je n'en ferai rien, vous vous en doutez. J'ai des choses importantes à communiquer au monde, un leg à laisser à l'humanité, un peu de sagesse à transmettre. C'est à cela que sert ce blog : à l'essentiel, toujours ! tel est mon mot d'ordre.
La viande en sauce est un plat qui se mange chaud
Le progrès technique aidant, le prix des matériaux baisse et, l'ascension sociale aidant, le pouvoir d'achat de certains augmente. Au croisement de cela se trouvent des familles - ma famille - qui, avant de l'argenterie, acquierent de l'inoxerie et, avant du savoir-vivre, des prétentions. Ainsi, il est impensable de servir le sanglier au vin dans le plat de cuisson : viande et sauce se retrouvent dans un de ces putains de plats en inox. Y a-t-il plus glouton en calorie que l'inox ? Progrès notable cette année, cependant. J'ai convaincu ma mère de mettre cette cochonnerie quelques minutes au four avant qu'elle ne le remplît. J'ai ainsi eu confirmation d'une vieille intuition : le gibier en sauce, accompagné de marrons, est nettement meilleur chaud que froid.
C'était mon petit émerveillement culinaire du week-end.
Les queer studies, ce n'est pas qu'une question de décoration
D'autre l'ont dit mieux et plus tôt que moi mais, une des bases de la fiction, c'est l'identification au héros. Application simpliste aux minorités : les catholiques anglais lisent David Lodge ou Evelyn Waugh, les irlandais qui en ont marre de l'Irlande Robert McLiam Wilson et les pédés Armistead Maupin, Stephen McCauley et Oscar Wilde. Évidemment, les bons auteurs parlent du tout même quand ils parlent de la partie. Les pédés de McCauley, c'est mon père et ma mère. Les aristocrates de Waugh ou Wilde, c'est mon père et ma mère. Le clochard irlandais de McLiam Wilson, c'est mon père et ma mère, aussi.
Et puis il y a des grands auteurs qui parlent du tout en parlant du tout. Qui abordent le tout de front, l'embrassent, le toisent. Qui voient l'humanité dans un peuple, un peuple dans une armée et une armée dans un général. Il y a Homére. Il y a Hugo - je viens de relire Les Misérables. Il y a tout dans les Misérables. Il y a l'amour et il y a des plans d'amélioration des égouts de Paris. Il y a l'idéal révolutionnaire et il y a une critique des nouvelles modes concernant les mariages. Il y a Waterloo et il y a ce vieux grigou d'Hugo écrivant que la chambre d'une jeune fille est un lieu où l'auteur n'ose mettre le pied.
Et, au milieu de tout cela, il y a deux pédés. C'est certes moins que les statistiques officielles. C'est a fortiori bien moins que mes écrits de jeunesse où une immense part de l'humanité, bon nombre d'animaux, quelques plantes et, possiblement, un caillou étaient homosexuel à force que je n'osasse pas l'être. Mais ce sont deux hommes. Deux éléments d'humanité. Ni risibles, ni exclus, ni loués d'ailleurs. Banals. Banals comme on peut l'être chez Hugo : deux révolutionnaires, deux républicains. Un par conviction, l'autre par amour du premier. Ils meurent grandement, la main dans la main, en criant Vive la République !
Homère avait Achille et Patrocle, Hugo a Enjolras et Grantaire.
C'était mon petit étonnement littéraire du week-end.
La nostalgie se conjugue aussi au présent
Il y avait un type, au collège, qui était exceptionnel. Il était grand, très grand, il faisait du basket. Il avait une voix de basse retentissante. Il avait de la moustache. Exceptionnel, donc. Appelons-le Thomas. Par ailleurs, il était très gentil, très drôle, très intelligent. Il voulait, si ma mémoire ne me trahit pas, être ingénieur du son quand il serait... Il était déjà grand, quand il serait vieux, donc. Il était, et ma mémoire ne me trahit pas, de ceux qui peuplait mes rêves d'antan.
Je suis récemment retombé sur des photos de collège. Entre deux grimaces provoquées par mon allure d'alors, une petite moue attristée me venait aux lèvres chaque fois que je découvrais que tel ou tel dont j'avais conservé un souvenir tendre n'avait été que banal. Thomas était de ceux-là.
Ce soir, devant moi, à l'automate de la gare de Clermont-Ferrand, Thomas a acheté un billet. Il est un rien plus petit que moi, mais costaud, très costaud, il a dû continuer le basket. Il a une voix de basse très douce et terriblement sensuelle. Il a une barbe de trois jours indécemment excitante. Exceptionnel, donc. Je le suspecte d'être toujours très gentil, très drôle, très intelligent. Il l'était en tout cas, gentil, avec sa copine, très mignone par ailleurs. Et il la faisait rire.
C'était mon petit émoustillement nostaligique du week-end.
Je ne vais pas ressortir mes photos de collèges, ce soir. Je vais terminer là ce billet. Et je vais aller rêver.