Petit chosier

Il n'y a que l'homme qui soit assez manichéen pour ne pas imaginer un progrès conservateur. La nature, elle, ne connait que cela : elle avance, mais elle n'oublie pas. Elle est comme ces vieilles dames qui ne jettent rien - mon arrière grand-mère collectionnait les papiers de bonbons. Si cela ne gêne pas, pourquoi jeter ? Cela servira peut-être un jour.

C'est ainsi que l'être humain mâle a des têtons d'une utilité lactatoire nulle, que la baleine a un petit os de la taille d'une noix perdu quelque part dans un muscle colossal en guise de bassin et que l'Autralie a l'ornithorynque. On pourrait faire l'économie de tout cela, mais le voudrait-on ? Supporterait-on de voir des yorkshire dans nos rues si nous n'avions l'intime conviction qu'il existe animal plus ridicule en Océanie ? La vie des naturalistes ne sombreraient-elle pas dans l'ennui le plus terne s'ils n'avaient ce petit os à essayer de placer sur le squelette de la baleine, comme le New-Jersey sur la carte des États-Unis ? Certaines activités humaines ne seraient-elles pas incontestablement moins amusantes si l'homme n'avait plus de têtons, hein ?

Parfois, l'homme aussi s'essaie à l'évolution itérative. C'est flagrant de la technologie. Le DVD est là, mais le VHS subsiste. Le batteur bat, mais le fouet aussi. L'automobile n'a pas tué le vélo. Tout cela est bel est bon. Pourtant, il y a une scorie du temps passé qui survit sans que je voie pourquoi.

À quoi diable les piles salines peuvent-elles bien sevir ?

Après une semaine d'expériences, j'en suis arrivé à mesurer finement la durée de vie de ces saloperies. En moyenne, elle serait, pour deux LR6, de deux lectures de CD dans mon baladeur ou de trois brossages de dents dans ma brosse à dents. N'y aurait-il pas foutage de gueule, là ? À quoi peuvent-elles servir, ces petites choses éphémères ?

À alimenter le sex-appeal d'un éjaculateur précoce, probablement. Et à rien d'autre.