Petit chosier

Si vous en avez marre des manchots, ce billet n'est pas pour vous. Vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous aura pas prévenu. Passez votre chemin.

Imaginez-vous qu'au zoo de Bremerhaven, il y a des manchots. Fascinant, non ? Et ce n'est que le début : imaginez-vous qu'au zoo de Bremerhaven, il y a des manchots homosexuels. Des couples de mâles, qui couvent des cailloux, pleins d'espoir.

Imaginez-vous qu'au zoo de Bremerhaven, aussi, il y a des vétérinaires. Étonant, non ? Et ce n'est que le début : imaginez-vous qu'au zoo de Bremerhaven, il y a des vétérinaires professionnels. Des scientifiques, qui étudient les animaux, pleins de curiosité.

Un vétérinaire normal, voyant six manchots mâles essayant de faire éclore des cailloux, se demande si les charmantes bestioles ne se sont pas satisfaits de cet arrangement faute de mieux, face à une pénurie de femelles. C'est ainsi, un scientifique, ça se pose des questions. Et ça cherche des réponses. (Contrairement à d'autres, je pense que les zoologistes sont utiles, moi.) Conséquement, les vétérinaires ont voulu faire venir des femelles, pour voir.

Grave erreur !

Que n'avaient-ils pas fait là ! Quoi, on laisserait des scientifiques essayer de briser des couples gays ? Nous tapettes de tous bords devrions accepter cette tentative rétrograde de nier des décénies d'émancipation sexuelle... du manchot ? Les associations homosexuelles ont protesté, des couples homosexuels ont protesté, des homosexuels ont protesté.

Assez grotesquement, si vous voulez mon avis.

Car que craignaient-ils ? Que les manchots mâles s'avèrent préfèrer les femelles quand ils en ont sous la... euh, sous l'aile ? Eh, bien quoi ? Ce serait leur droit, non ? Ils prétendent défendre le droit à la différence des manchots, ces militants zoophobes (qui détestent les zoos), et ils leur refusent la liberté de choisir ? Et quand bien même tous ces jolis petits couples manchotins et homosexuels éclateraient, qu'est-ce que cela changeraient pour nos couples à nous, humains ? Rien : depuis quand les découvertes sur la vie des manchots influent-elles sur les modes de vie humains ? D'ailleurs, vous connaissez beaucoup de couples gays qui couvent des cailloux, vous ? Tiou et Val, vous essayez quand ?

Surtout, il y a là quelque chose de dangereux, il me semble, et qui n'est pas réservé aux militants gays. Le principe de précaution, en soi, je n'ai rien contre. L'ennui est que, neuf fois sur dix, si ce n'est plus, il est le premier, le dernier et le seul argument des idiots et des obscurantistes. Mettre des manchots mâles en présence de manchots femelles pourrait prouver que ces manchots ne sont pas intrinsèquement homosexuels. Rien de plus. Mais, parce que, peut-être, éventuellement, à terme, des gens pourraient en arriver à penser que les homos humains sont homos faute de trouver vagin à leur pénis comme on trouve chaussure à son pied, alors halte ! Stoppons, et d'urgence, les zoologistes ! Arrêtons la science ! Rangeons nos livres, quittons nos études, retournons dans notre caverne !

Et puis même. Admettons que le danger soit réel. Admettons que je suis un vieux con qui râle, comme d'habitude, pour le plaisir de râler. Cela s'est vu. Voudra-t-on me faire croire qu'il n'y a pas de danger plus immédiat pour la place des homos dans la société que l'éventuelle hétérosexualité d'une poignée de manchots ?