Patatophile

Où l'Auteur parle tentacule.
Marc.
Ne te mets pas dans un état pareil.
Yvan.
Ne te mets pas dans un état pareil ! Qui m'a mis dans cet état ?! Je n'ai pas vos froissements d'âme moi, qui je suis ? Un type qui n'a pas de poids, qui n'a pas d'opinion, je suis un ludion, j'ai toujours été un ludion !
Marc.
Calme-toi...
Yvan.
Ne me dis pas, calme-toi ! Je n'ai aucune raison de me calmer, si tu veux me rendre fou, dis-moi, calme-toi ! Calme-toi est la pire chose qu'on peut dire à quelqu'un qui a perdu son calme ! Je ne suis pas comme vous, je ne veux pas avoir d'autorité, je ne veux pas être une référence, je ne veux pas exister par moi-même, je veux être votre ami Yvan le farfadet ! Yvan le farfadet.

Silence

Serge.
Si on pouvait ne pas tomber dans le pathétique...

Yasmina Reza, Art

Bloguer est indécent, lorsqu'on blogue comme je blogue.

J'ai pris le parti de parler de ce qui me passe par la tête - de parler de moi, donc, en creux - toujours et encore. Et d'être sincère, toujours, aussi. Même si rarement franc. Que je le veuille ou non (et bien sûr, en l'occurence, je le veux), je me dévoile, ici, en toute impudeur. Mais, dans le même temps, je vous manipule. Le clavier, c'est moi qui l'ai. Et tous les effets stylistiques qu'il permet. Là est l'indécence : se mettre à nu tout en gardant la possibilité de se farder.

Le garde-fou ? Une certaine honnêteté que je me reconnais ou, plutôt, à laquelle je me contrains. L'inconvénient ? Des billets comme celui de l'autre jour, qui ne manqueront pas d'apparaître, ici ou là.

Il m'arrive, occasionnellement, d'aller mal. C'est rare, intense et bref mais, quoi ! je ne peux pas être en permanence un farfadet. Que faire, alors ? Sourire à travers mes larmes et les diluer dans l'alcool ? C'est ce que j'aurais fait, il y a quelques mois. Mais ai-je le droit de vous cacher que je vais mal lorsque je vais mal ? Ce texte, que j'ai publié, je l'aurais écrit de toute manière, ou je l'aurais pensé, aurais-je eu le droit de le retirer à votre vue ? Ai-je le droit de me peindre tel que je ne suis pas - heureux, joyeux, insouciant ? Sans doute, oui. Je suis l'Auteur, que diable ! Mais ce serait le premier pas vers le mensonge. Si je me mets à vous cacher aujourd'hui mes désespoirs grotesques, mes abattements risibles, je vous cacherai demain mes autres défauts, je m'inventerai après-demain des qualités. Cela ne sera plus un blog, ce sera une statue monumentale que je m'érigerai. Une bonne grosse statue plaquée or.

Je ne veux pas cela.

Mais je ne veux pas non plus vous laisser tomber dans le piège de mes plaintes. Les moins dupes m'engueuleraient, pour me faire recouvrer mes esprits - je ne le supporterais pas, pas dans cet état-là. Les autres risqueraient de laisser mon chant les guider vers des abîmes de mièvrerie. Je supporterais moins encore des petites tapes compatissantes dans le dos que des giffles. Qu'on me laisse mariner un temps dans le cloaque de l'auto-apitoiement - je referai bien surface un jour, et je ne vous aurai pas souillé.

Commentaires fermés, donc, en temps de crise. Et si l'on me trouve mégalomane, on aura raison : je suis l'Auteur, saperlotte ! Modération, censure et castration sont ici mes droits régaliens.

De même celui, précieux entre tous, de dire n'importe quoi.

Hier soir, invité à une raclette, j'ai vu ce que déjà souvent déjà j'avais vu. Des pommes de terres. Germées, dans leur filet. Et, voilà l'inédit, je leur ai trouvé quelque chose d'obscène. J'avais déjà remarqué, mien sûr, l'allure prédatrice de ces tentacules blanchâtres qui semblent chercher à aggriper les pommes-de-terres avoisinantes. Mais, soudain, un flash. N'y avait-il pas aussi dans ces appendices quelque chose de lascif. De sensuel. De, le mot est lâché, de sexuel. Je me suis rappelé Shivers de David Cronenberg, version patatoïde.

Depuis, des images me hantent.

Des images du Bonhomme Patate en combinaison de cuir noir. Cuir noir qu'essaient de percer, innombrables, des tentacules blanchâtres et libidineux.

Commentaires

1. Le mardi 15 mars 2005, 00:41 par FabriceD

J'avais fait un truc tout joli où la citation apparaissait en vignette, cela me plaisait beaucoup. Hélas, ce satané thème à tout cassé. Alors fini la vignette, pour l'instant. Mais accrue ma volonté de redessiner ce blog.