Souvenir ému
Par FabriceD le jeudi 18 août 2005, 01:09 - Pile de livres - Lien permanent
Il suffit parfois d'une bêtise de Vialatte lue sur un quai de gare :
On essaiera les scoubidous : des Pluies Battantes, des Idées Générales, des Concessions, Éminents des Viaducs, Glorieux double des Viaduchesses, de l'Attrappe-Nigaud, des Sulfures, Schisteux des Vosges et Ganté du Brésil.
Alexandre Vialatte, Chronique de "la Montagne" n°466, "Chronique des conseils et prédictions", 6 février 1962
(Dans le contexte non plus, ce conseil-ci ne veut pas dire grand chose.)
Une toute petite bêtise et vous voici à sourire niaisement en pensant des cochoncetés sur les ouvrages d'art tandis que votre train entre en gare. Une toute petite bêtise et vous voilà ensuite à griffoner nerveusement sur un bloc note des bêtises plus grosses encore, en gloussant de temps en temps, sous le regard inquiet de vos voisins. Une toute petite bêtise et voilà un texte, plutôt mauvais, mais qui vous fait monter les larmes aux yeux quand vous le relisez.
J'aurais dû aller plus souvent, le dimanche matin, faire la tournée des bars du Boischaut, avec mon père, mon oncle et mon grand-père. Et le Père Mongeat, qui n'avait qu'un pouce. Et Digonin, qui jardinait avec mon grand-père. Je me souviens d'un bar (où diable peut-il bien être ? À la Celle ? À Arpheuilles ? à Segogne qui se prononce Z'gougne ?) où je suis allé quelques fois quand j'étais vraiment tout petit. Un bar qui faisait épicerie. Il n'y avait qu'une petite porte à passer pour entrer dans la caverne d'Ali Baba. Il y avait des Schtroumpfs qui laissaient la langue bleue, des bouteilles de coca-cola en caoutchouc brut et de ces machins si acides qu'ils font grimacer de plaisir. Et des biscuits en tout genre. Des pépitos, même. Au chocolat au lait.
Voilà que j'ai la gorge nouée, comme un con, devant mon ordinateur.
C'est que, voyez-vous, je refusais d'aller avec eux le dimanche matin, lors des week-ends chez mes grands-parents. C'est que je m'y ennuyais gravement, quand j'étais petit. Et que je réprouvais vaguement cette alcoolisme rustique, quand j'étais plus grand. (Ces délicatesses d'adolescent m'ont passé depuis.) Mais, surtout, c'est que je préférais dormir, jusqu'à pas d'heure, chez ma tante Michèle.
J'irais bien, dimanche prochain, faire le tour des bars du Boischaut. Mais il est trop tard.
Il n'est pas trop tard cependant pour prendre de bonnes résolutions que je n'arriverai pas à tenir. Pour décréter que la prochaine fois que l'homme que j'aime sera à mes côtés je ne marmotterai pas. Même s'il s'y emploie en ne marchant qu'à pas de loup dans l'appartement.
Si j'échoue, je tiens déjà ma punition. Elle sera collective : je m'imposerai de vous infliger un autre texte aussi mauvais que celui que j'ai mis en ligne ce soir.
Je ne doute pas, ainsi, que vous serez de tout cœur avec moi.
Commentaires
j'espere vraiment que tu marmotteras
j'avoue que je n'ai pas tout compris, mais il y a quelques clins d'oeil sympas...quant au marmottage, eh bien, j'essaierai encore et toujours de ne pas faire trop de bruit. Mais qui sait ? vu que j'ai maintenant des horaires normaux, je vais peut être pouvoir à nouveau dormir tard comme les gens normaux, et ne pas ouvrir l'oeil à 5h le week end !
Je vais probablement baisser dans ton estime, si c'est encore possible , mais moi je l'aime bien ce texte... J'aime bien le realisme du debut, la facon dont le decor est plante, et j'aime bien aussi la poesie de la fin (desolee pour le terme poesie qui ne traduit pas du tout ma pensee).
On dirait du Pennac...
woh ca c du compliment
Chic, chic, enfin du nouveau dans la boîte à écrits de Fabrice. :-) Du très bon, comme d'habitude. Dommage que ça ne fasse pas poussé HoF et que ça ne fasse pas tomber les épisodes de LBdI de leurs étagères. :-/