Arithmétique potagère
Par FabriceD le mercredi 5 octobre 2005, 20:21 - Doux délires - Lien permanent
Les professeurs de sciences physiques vivent selon l'idée saugrenue et obsessionnelle que l'on ne doit pas additionner les choux et les carottes. Ils ne supportent leurs équations qu'homogènes, ils veulent des dimensions équivalentes de chaque côté du signe égal, bref ils torturent le taupin.
Pour tout dire, et sans être le moins du monde revanchard, je dois avouer que cette obsession de l'homogénéïté m'a toujours laissé perplexe. Il m'a toujours semblé que le monde gagnerait beaucoup en fantaisie et en joie de vivre si l'on se risquait plus souvent à additionner choux et carottes. En contrepartie, les avions voleraient peut-être un peu moins bien, les bateaux couleraient peut-être un peu plus souvent et les connexions Wi-Fi marcheraient juste aussi bien. C'est un prix que je suis prêt à payer. D'autant que je préfère le train.
Osons le dire, les professeurs ne font rien pour se rendre populaires en imposant de telles règles parfaitement arbitraires. Et fausses, qui plus est. Car on peut ajouter des choux et des carottes. On doit, même, sinon le pot-au-feu n'est pas bon : si l'on retranche le chou et les carottes au pot-au-feu que reste-t-il ? Des patates, du bouillon, une méchante pièce de bœuf - que sais-je moi ? le pied de veau pour que le bouillon épaississe, le navet si vraiment vous aimez ça, un petit morceau de porc salé, peut-être. Bien des choses, en somme, mais pas un pot-au-feu. Pour le pot-au-feu, pour un bon pot-au-feu j'entends, ajoutez un chou et des carottes. Et un peu de moutarde, avec la pointe du couteau, sur le bord de votre assiette. À être aussi intransigeants, mes vénérables professeurs ne prouvaient qu'une chose : qu'ils ignoraient tout du pot-au-feu.
Mais l'élève doit dépasser le maître, additionnons choux et carottes, comparons ce qui n'est pas comparable, parlons de mon avis d'imposition. Car, les plus intuitifs d'entre vous l'auront deviné, j'ai reçu aujourd'hui mon avis d'imposition pour la taxe d'habitation et la redevance télé.
Qu'on ne compte pas sur moi pour me plaindre, pour pester contre ces prélèvements obligatoires. Il est normal que je paie l'impôt, il est bon que je paie la redevance.
Que j'habite là où j'habite coûte à la collectivité, il est normal que je contribue : il y a le trottoir qui passe devant chez moi à entretenir, la rue à éclairer et les petites plaques bleues à poser. Celles où l'on apprend que le Docteur Gailleton fut maire de Lyon ; ou conseiller municipal, je ne sais plus trop. (Il était docteur, ça, c'est acquis, on ne reviendra pas dessus.) Il n'y a jamais assez de petites plaques bleues. La preuve en est que le facteur échoue régulièrement à trouver mon chez moi : c'est que je n'avais jamais jusqu'alors payé de taxe d'habitation. Je ne doute pas qu'avec ma contribution on pourra poser la petite plaque bleue dont mon facteur a besoin pour me trouver à tous les coups.
Quant à la redevance, au risque de me faire conspuer, je suis de ceux qui doutent qu'elle soit assez haute. On peut la trouver trop chère pour ce qu'on a, je n'en disconviens pas. 116 €, c'est cher payer juste pour apprendre de la bouche d'un ancien Premier Ministre que sucer n'est pas tromper. D'un autre côté, c'est peu pour faire jouer à Claudio Abbado la Septième de Mahler dans votre salon. On me dira que France Televisions et Radio France ne sont pas la BBC, qui est d'une toute autre classe ; je ne dis pas le contraire. Seulement, les Anglais donnent des moyens à la BBC que nos 116 € ne donnent pas à l'audiovisuel publique français.
Comparons ce qui n'est pas comparable, donc. Sur mon avis d'imposition, il apparait clairement que le Trésor Public est conscient que je vis dans un bouge infâme. Pour posséder un téléviseur 55cm que je tiens de mon grand-père, il me demande 116 €. Pour vivre dans ma cave, comme un champignon de Paris, dans le noir et l'humidité, 18 € seulement. Mon percepteur m'a pris en pitié. On dit bien des méchancetés injustifiées sur ces gens-là.
Ceci étant dit, je doute tout à coup que la redevance et la taxe d'habitation ne soient pas comparables. Après tout, mon percepteur les additionne bien, lui, sur mon avis d'imposition. Et je ne doute pas un instant que mon percepteur ne soit d'accord avec mes vieux maîtres sur l'interdit formel de l'arithmétique potagère.
J'aurais donc parlé pour ne rien dire ?
Pas tout à fait. Au moins ce billet aura-t-il appris aux professeurs de passage les secrets du pot-au-feu. Le temps va s'affraichissant, cela ne pourra que leur être utile.
Commentaires
Voici d'ailleurs une recette complète (enfin une parmi tant d'autres) du pot-au-feu pour 6 personnes :
ingrédients :
400 g de jumeau, 400 g de gîte, 800 g de macreuse, 800 g de plat de côtes... Oui, alors en fait n'importe quel morceau de boeuf à braiser fait l'affaire...
3 os à moëlle.
800 g de carottes.
800 g de navets (ou du chou pour les moins audacieux)
400 g de poivrons.
2 branches de céleri.
800 g de pommes de terre.
Poireaux
Oignons, ail, Sel, Poivre.
Coupez les carottes en tronçons et lavez-les. Epluchez les oignons, les gousses d'ail, les navets, les pommes de terre et coupez les en quatre.
Mettez à bouilllir dans une marmite d'eau salée un tiers de carottes et des poireaux ainsi que deux oignons. Dès que l'eau bout, ajoutez la viande et les os à moëlle, faites cuire 3 heures à feu doux.
Débarassez la viande et passez le jus de cuisson au chinois. Ensuite remettez-le dans la marmite avec la viande et ajoutez les légumes crus, l'ail et quelques feuilles de céleri.
Refaites cuire jusqu'à ce que les pommes de terre soient cuites.
Voilà... Et, oui Fabrice, tu peux rajouter autant d'armagnac que tu veux...
Merci de ta sollicitude Sylvain, mais on va peut être se passer de l'Armagnac pour le pot-au-feu.
Euh... Pourquoi ?
Mais parce qu'il n'en faut pas pardi !
Tssss. Quelle étroitesse d'esprit...