Lavement
Par FabriceD le lundi 24 octobre 2005, 22:52 - Pile de livres - Lien permanent
Même des bonnes choses, on risque la surdose.
Voyez ce soir : je me suis fait un chocolat chaud. Un vrai chocolat chaud, j'entends : dans une casserole, j'ai fait fondre dans du lait du chocolat à pâtisser, j'ai rajouté une pointe de piment et un peu de canelle, j'ai attendu que ça boue. Du vrai chocolat chaud, bien épais, qui recouvre votre œusophage d'un velours brunâtre. Vous n'avez pas idée de ce que c'est bon. Mais écœurant, aussi. Il n'en aurait pas fallu beaucoup plus pour que je risquasse le trop plein. Risquer le trop plein au subjonctif imparfait est plus élégant et plus distingué que de vomir à l'indicatif présent. Sur le tapis persan de la grand-tante Léonne ; on essaie de ravoir la tache ; elle ne part pas ; maman se ratatine de honte. Voilà ce qu'il en coûte de ne pas se rappeler le subjonctif impartait.
Même des bonnes choses, disais-je, on risque la surdose.
De Vialatte, aussi. Terriblement addictif, Vialatte, terriblement bon. À trop le lire, trop d'un coup, trop souvent, Vialatte ne s'use pas vraiment ; mais il déteint. D'abord des tournures de phrases, puis un sens du rythme, et des maniérismes. Certains jours, l'impression désagréable que ce blog est hanté, le blogueur possédé et non plus FabriceD. Certains billets dont, à la lecture, on se demande qui les a écrits, du blogueur jeune et adorable que vous connaissez ou du vieux chroniqueur putréfié qu'il s'est mis à admirer.
Maurice Ravel à George Gershwin qui venait lui demander des leçons de musique : Pourquoi voudriez-vous devenir un mauvais Ravel quand vous pouvez être un grand Gershwin ?
Bonne question, que le fantôme de Vialatte aurait dû venir me poser. Je me la suis posé tout seul comme un grand, finalement, vu que ce vieil Alexandre persistait à ne pas revenir d'outre-tombe pour mes beaux yeux. Et j'en ai tiré les conséquences qu'il fallait. J'ai refermé les Chroniques de la Montagne. Et j'ai dévoré coup sur coup Au Bonheur des Ogres de Daniel Pennac, Nulle Part et Dans la luge de Schopenauer de Yasmina Reza.
J'aime beaucoup le style de Yasmina Reza, tout de fluidité. Cela m'a surpris, après Vialatte. Vialatte écrit ses chroniques comme des parties d'échec : il avance consciencieusement ses métaphores, place ses jeux de mots, déroule ses délires. Coup après coup. Entre les coups, des points. Ou, plus souvent, des points-virgules. Jusqu'au mat final qui vous écrase par l'évidence de sa conclusion. (La plupart du temps, vous ne partagez pas la conclusion. Mais vous faites mine de l'accepter, par respect pour le Style.) Chez Yasmina Reza, pas de point-virgule, seulement des virgules et parfois même plus de virgule on n'y comprend plus rien mais comme ça respire ! C'est une pensée qui avance naturellement, c'est à dire en zig-zag, par associations d'idées et par coq-à-l'âne. Comme celle de Vialatte, donc, sauf que Vialatte fait du zig-zag une méthode tandis que le zig-zag jaillit naturellement du discours chez Reza, comme ces formes géométriques qui s'amusent à apparaître dans la nature la plus sauvage.
J'ai exorcisé Vialatte, donc. Ou je m'en suis sevré, à tout le moins, en usant de produits de substitution fort plaisants. Pour m'assurer que le sevrage est complet, je vais lire maintenant Les Pingouins n'ont jamais froid. Enfin.
Entre toutes ces lectures, je vais essayer d'écrire comme un bon FabriceD plutôt que comme un mauvais Vialatte. Ce qui n'est déjà pas si mal, à bien y regarder. Dans les bons jours, au moins.
Et c'est ainsi qu'Allah est grand.
Commentaires
Fafa, espèce de menteur ! Accuser ce pauvre chocolat chaud de vertus émétiques alors que je suis sûr que tu avais rajouté de l'armagnac, du cognac ou dieu sait quel alcool fort dans la recette ! Quel honte !
Ne prends pas cet air surpris. Des sources sûres, et dont je tairai le nom, ont clairement dénoncé ton penchant pour les boissons fortes dans la cuisine !
Sylvain a raison ! La preuve : le nombre de fautes d'orthographe dans le paragraphe concernant ledit chocolat "sans alcool"...