La couleur de la folie
Par FabriceD le vendredi 17 février 2006, 21:56 - Omphaloscopie - Lien permanent
Je suis plein de contradictions.Le bellâtre anorexique de la pub pour CK One (By Calvin Klein)
Je suis une tapette - c'est du moins ainsi qu'une râclure m'a récemment présenté à une demoiselle. Je suis aussi - parfois, pas tout le temps, certaines fois plus que d'autres - une folle.
Je ne sais de quoi mon degré de follassitude dépend : de mon taux d'alcoolémie, assûrément ; de la fatigue, sans doute ; du degré hygrométrique, peut-être. De l'assistance, aussi, ou de l'absence d'icelle. Il m'arrive de marcher dans la rue et de me rendre compte, à un frôlement inhabituel de mes vêtements sur mon corps, que je tortille du fondement ; il m'arrive d'ajouter à ce phrasé précieux et heurté, à cette voix nasale qui me caractérisent, un falsetto d'eunuque ; il m'arrive plus souvent qu'à mon tour de me surprendre, les jambes croisées, le poignet cassé, la tête légèrement penchée : Jacky Kennedy sur certaines photos officielles.
Quand surviennent les crises ? Je l'ai dit, je n'en sais rien.
Cet après-midi, cependant, j'avais le follassomètre bien excité. J'avais accumulé les facteurs déclanchants. Pull framboise, manteau trois-quarts noir, mèche gominée : bobo décontracté, friday wear, cadre dynamique en RTT. Requiem de Mozart dans les oreilles, mais pas l'enregistrement du coffret que tout le monde a désormais, par Walter, l'immense Walter : culture, snobisme et fort pouvoir d'achat. Le publicitaire qui me lirait par hasard saurait reconnaître ces signes : culture, mode low-key (mais easy-wear), argent jeté par les fenêtres, un DINK ! une tapette ! Moi ! Et, donc, pour être en phase avec mon accoutrement, une folle.
Je souriais à la vie, aux beaux garçons que je croisais, aux belles filles aussi. J'allais, accessoirement, à Carrefour.
Là, démarche sautillante et chaloupée, je zigzagais entre les vieilles dames à caddies et les djeunes à bombers. J'en croyais l'espèce éteinte, soit dit en passant, du djeune à bombers : il m'avait semblé que le djeune à survêtement avec une jambière portée à mi-mollet lui avait succédé. J'ai dû me tromper. Bref, aérien, gracieux et futile, j'avançais en milieu vulgaire sans y prendre garde, comme un ballon gonflé à l'hélium dans une convention Républicaine.
Soudain, la folle s'est retrouvée en territoire inconnu : entre un mur de protections périodiques et une falaise de couches culottes. J'avais vu, plus tôt dans l'après-midi, une publicité pour une serviette contre les fuites urinaires : une femme en voie de ménoposation et sa fille en pleine gestation y discutaient de la difficulté d'être belle et sèche. Je n'osais croiser le regard des femmes que je croisais en ce royaume de la sphaigne et des barrières anti-fuites.
J'ai trouvé ce que je cherchais : les cotons-tiges. J'en ai pris un sac de cent soixante et je m'apprêtais à filer incontinent de mon pas léger quand je réalisai ce que j'avais fait. Alors, aussi discrètement et nonchalamment que possible, je suis retourné devant les cotons-tiges, j'ai reposé ceux que j'avais pris, en ai choisi d'autres. Des bleus. Les premiers étaient roses.
C'est que, voyez-vous, malgré tout, comment dire ? le rose... C'est pour les filles.
Commentaires
Tu dis ça parce que mon portable s'illumine d'un rose bonbon du plus bel effet quand tu m'appelles ?
Tiens des cotons tiges de couleur... J'avoue que je n'aurais jamais pensé à une telle chute...
Mais pour l'annecdote, je te rappelle que Jacky Kenedy portait un ensemble rose à Dallas...
Romain se présenterait-il aux présidentielles ?
Obi-Wan,
Vite Jack Bauer m'attend...