Interlude
Par FabriceD le vendredi 10 mars 2006, 20:17 - Fonds de tiroir - Lien permanent
J'ai créé cette catégorie pour y entreposer des brouillons assez propres pour être lisibles mais suffisamments inachevés pour n'être rien d'autre que cela : des brouillons, des bouts de choses plus grandes qui peut-être ne verront jamais le jour, des tentatives plus ou moins réussies de pondre quelque chose de plus ou moins intéressant. Pourquoi les mettre ici ? Pour deux raisons, l'une généreuse, l'autre pratique. D'abord, pour satisfaire les groupies, pour contenter le fan club, pour donner à lire au Lecteur. Ensuite, surtout, pour que j'arrête de perdre sans cesse mes idées, mes papiers et mes cahiers. Ou, plus exactement, que je puisse continuer à les perdre sans avoir ensuite à revêtir mon attirail de spéléologiste pour tenter vainement de les retrouver. Ceci étant dit, tel quel, voici le brouillon du jour.
Juste derrière le bureau de Lucifer, posé sur un meuble aux lignes pures d'inspiration nippo-suédoise, entre un bonsaï mort et un gibet d'où pendent cinq billes d'acier, se trouve un bocal sphérique. Un poisson rouge tourne y autour d'un château néogothique. Et l'eau y bout à gros bouillons.
Il fut un temps, au tout début de l'éternité, où les poissons, les gerboises et le cousin Roger - en un mot toute la Création - étaient mêmement soumis aux flammes de l'Enfer. Sur ordre d'En-Haut et par manque d'imagination, la damnation était alors strictement égalitaire. Au grill, la grand-tante Léone ; au grill, le hamster qui avait grignoté le câble de l'aspirateur ; au grill, les thons, les flétans et les cabillauds.
C'était simple, c'était efficace, c'était insupportable.
Car, très vite, l'Enfer avait commencé à sentir la sardine au barbecue, le saumon grillé ou le merlan frît. Le moral des damnés s'en ressentait : on les voyait sourire. À l'odeur et à la chaleur, ils se croyaient dans un camping provençal. Ils se pensaient en vacances, ils imaginaient une éternité de congés payés, ils étaient heureux.
Aussi prit-on des mesures : on continua de griller les mulots, de frire le neveu de la cousine Berthe, mais on créa une exception pour les poissons, fruits de mer et assimilés. Au court-bouillon, tous. Ou en papillotte, éventuellement, à la discrétion du diablotin de service.
Un beau jour, arriva aux portes du Pandémonium, à la nage, un petit poisson jaune coupable d'avoir mangé, un vendredi de Carême, une larve de dityque un peu trop grasse. Il se retrouva, sans qu'on sache comment, dans un bocal rien qu'à lui, derrière le bureau de Lucifer. De jaune, il devint rouge à la cuisson. Et l'est resté.
Parfois, quand ils sont seuls, le Seigneur Noir lui parle. Il l'appelle Bubulle.
Commentaires
Hmm...
et quand un texte n'est plus un brouillon, que devient-il exactement ?
Idéalement ? Prix Goncourt.
Plus sérieusement, je me posais la question ce matin sous la douche. Je pense que, si le texte change assez entre le brouillon et la forme achevée, il restera en ligne par ici. Sinon, si lui bébé se ressemble assez une fois adulte, il disparaîtra d'ici pour mener une vie meilleure ailleurs.
Ou alors j'oublierai que je l'ai mis ici...
Je pensais avoir un grain... Je te savais avoir un coté postier (autement dit être un peu timbré... ok elle est moyenne celle là...)... Voir un petit rien de doux-dingue...
Mais aujourd'hui je me demande si en toi sommeil un géni ou un dément...
La question est posée, et de mon rire sonorre résonne encore l'appartement de ma soeur...
Obi-Wan,
Ne pas lire le blog de FabriceD en cours ou au boulot... trop de risques...