Cher Nicolas

À trop se prendre pour un chêne, on passe pour un gland.

Monsieur Sarkozy,

L'usage voudrait sans doute que je vous donne du Monsieur le Ministre d'État, permettez-moi néanmoins cette familiarité. Car c'est au héraut autoproclamé et bruyant de la "rupture" que je m'adresse : qu'il vous soit utile - pour l'instant - de cumuler ces fonctions n'oblige pas le citoyen à être dupe.

Autant vous dire que, sur le fond, votre réforme ne me tente pas. Disons, pour faire vite, que, socialement, économiquement et humainement, je ne vous suis pas. Passons, cependant : il est une "rupture" sur laquelle nous devrions pouvoir nous entendre.

J'aimerais croire que votre engagement pour la "rupture" signifie aussi une volonté de changer la manière dont on fait de la politique. Une volonté de rompre avec l'affairisme, le copinage et le clientélisme. Une volonté de rompre avec l'habitude de dire blanc lorsqu'on fait noir. Une volonté de rompre avec l'idée que les principes ne sont opposables qu'au camp d'en face.

Je suis prêt, pour l'instant, à vous accorder le bénéfice du doute. Pourtant...

Pourtant, il est dans votre parti un député qui a été condamné en première instance pour injures à caractère homophobe. Nul n'est censé ignorer la loi : il connaissait d'autant mieux celle-ci qu'il s'y était farouchement opposé et qu'elle avait été malgré tout votée par ses amis politiques. En sa présence. Il ne me semble pas que l'on ne soit tenu de respecter que les lois qui nous plaisent, mais je me trompe peut-être - n'hésitez pas, Monsieur le Ministre de l'Intérieur, à me corriger le cas échéant. Georges Frêche a récemment traité les des harkis de sous-hommes ; il a été suspendu des instances dirigeantes du Parti Socialiste - il n'a pourtant pas été condamné, lui. (Pour l'instant.) Les députés de la majorité n'avaient pas de mots assez durs pour reprocher la mollesse de la réaction du PS. Pourquoi ce silence respectueux autour de M. Vanneste ? Attendez-vous le verdict de seconde instance ?

Pourtant encore, il est dans votre parti un député qui a été condamné dans une affaire d'emploi fictif. Il n'a pas fait appel, il ne conteste pas ce verdict, il aurait même payé son amende. Il vient d'être personnellement amnistié par le Président de la République. Quid de la tolérence zéro ? Quid de la volonté du Président de moraliser la vie politique ? Quid de la rupture ?

Comprenez bien, Monsieur Sarkozy, que je ne vous reproche pas les actes de ces brebis galeuses : tous les partis en ont. Mais en tolérant les errements d'un Vanneste, vous semblez les cautionner. Mais en restant muet devant l'amnistie d'un Drut, vous semblez l'approuver. Cet après-midi, lors des questions au gouvernement, il y aura certainement un membre de l'opposition pour évoquer cette amnistie honteuse. Les députés de votre majorité hueront, siffleront, aboieront. Vous resterez sur le banc du gouvernement.

Est-ce ainsi que se prépare la "rupture" ?

En l'attente d'une improbable réponse, veuillez accepter, Monsieur Sarkozy, l'expression de mes salutations les plus dubitatives,

FabriceD

Commentaires

1. Le mardi 30 mai 2006, 17:25 par Obi-Wan

Si tu souhaites une éventuelle probable réponse, suis le lien...

www.interieur.gouv.fr/rub...

Obi-Wan,
Se passe de commentaires...

2. Le mardi 30 mai 2006, 18:34 par Fouss

Bonjour Monsieur Simonin,

Je ne suis pas d'accord "Georges Frêche a récemment traité les harkis de sous-hommes"; Georges Frêche a traité DES harkis de sous-hommes parce qu'ils sont UMP alors que De Gaulle n'a rien fait pour eux. c'est une nuance. Il n'empêche que Georges Frêce est bien un gros con.
En voyant "Cher Nicolas", mon nombrilisme s'est réveillé: je pensais que tu allais parler de moi et de ce que je pense des blogs et de leur pérennité temporelle...

Bon tout

Foussat

3. Le mardi 30 mai 2006, 18:51 par Monster Bill

Eh bien, manifestement, la séance de cet après-midi ne s'est pas tout à fait passé comme tu le pensais, cher FabriceD. :-) Est-ce un signe heureux ? Là, il ne faut peut-être pas trop pousser.

4. Le mardi 30 mai 2006, 18:55 par FabriceD
Obi-Wan :
Je connais ce lien, merci. J'ai hésité, pour tout te dire, à l'utiliser. J'ai préféré créer cette catégorie que je compte rentabiliser. Pourquoi ? Parce que je me moque de la réponse que pourrait me faire je ne sais quel sous-fifre ; parce que je juge les hommes politiques à leurs mots, à leurs actes et à la concordance des deux ; parce que, enfin, je ne m'interdit pas à l'avenir d'écrire à des morts. Dans tous les cas, je ne doute pas un instant que mon avis n'influancera en rien la stratégie de Sarkozy.
Quant à l'amnistie, les députés UMP grognent, Debré prend ses distances, Sarkozy juge la mesure d'une autre époque. Je bats ma coulpe, je me suis trompé : pas la moindre protestation des députés de la majorité lors des questions de gauche et du centre.
Fouss :
Content de voir que mon piègé à Foussat ait fonctionné. Toutes mes excuses pour l'imprécision sur Frêche : je corrige de suite.
MonsterBill :
Je bats ma coulpe, je me suis trompé : pas la moindre protestation des députés de la majorité lors des questions de gauche et du centre. Et Guy Drut était bien seul sur son banc.
5. Le mardi 30 mai 2006, 21:26 par Stitch

Content de te voir venir sur ce genre de thèmes! Que tu dois être énervé pour t'y risquer...

Eh bien, que dire sinon que je suis foncièrement d'accord avec toi, sauf que cela fait bien longtemps que je n'accorde plus le bénéfice du doute à Monsieur Nicolas. Quand on s'appelle Nagy Bosca (attention, approximation!) on ne vient pas nous parler d'immigration choisie. Qu'on ne nous parle pas de sécurité quand on ferme Sangatte. Les exmples sont multipliables à volonté.

Pour la question des Harkis, confer mon blog, j'avais déjà posté là-dessus, il me semble bien important d'insister sur le partitif. Cela change tout le sens du propos, même s'il reste maladroit.
Ce qui est assez étonnant, et choquant, c'est qu'on ne s'embarrasse pas du vocabulaire ou de la grammaire dans cet affaire: DES harkis deviennent LES harkis dans leur ensemble, et le tout devient une insulte à caractère raciale (alors que les harkis ne sont pas une race, pas plus que les ophtalmos ou les puéricultrices...). Foin de détail, fonçons! Haro sur le bidet.

Quand à cette république, vaut-elle qu'on se batte pour elle? Certainement, mais pas comme ça. Ce n'est pas dans le cadre des partis en place qu'on offrira au Peuple une alternative crédible, n'en déplaise aux éléphants de la majorité. Votons tous pour un parti qui n'a jamais gouverné, que sais-je, les verts au pif? et là, on aura peut être un changement digne de ce nom. Au moins suffisamment digne de ce nom pour provoquer indirectement des changements. Il n'y a qu'à voir ce qu'on nous avait promis après 2002. Les partis de pouvoir mis au ban de la vie politique! mais c'était un scandale! il fallait faire de la politique autrement. Chirac nous avait compris, et pire! on l'avait cru.

Dire que cela fait en fait 11 ans que ça dure. Dire que la chanson des Wampas "Chirac en prison" me choquait il y a quelques semaines... maintenant je signerais presque ses paroles comme étant les miennes. "Tu tu tudu tu".

6. Le dimanche 4 juin 2006, 21:31 par Stitch

Merci Fabrice pour la correction des fautes, j'avais un peu honte ^^ !