Regrets éternels des éternels seconds
Par FabriceD le jeudi 14 janvier 2010, 21:46 - Salles obscures - Lien permanent
Y a-t-il seulement un film qui ait été sauvé de la médiocrité par son acteur principal ? Le talent des stars est en cuivre ; il ne brille que si un scénariste, un metteur en scène, un réalisateur le frottent à la paille de leur génie ; livré à lui-même, il se ternit, se vert-de-grise, se réduit à une petite chose décorative mais sans éclat. Tandis que les seconds rôles ! Ah ! les seconds rôles... Des pépites qui persistent à briller une fois tombées dans la fange.
Certains réalisateurs acceptent certains scénarios pour une scène, une seule, qu'ils veulent pouvoir tourner. Brian De Palma et l'interminable plan-séquence au début de Snake Eyes, par exemple. Certains spectateurs, de même, n'acceptent certains films que pour une apparition, une éclaircie, un miracle. Ces spectateurs, dont je suis, vénèrent des saints obscurs dont les noms sont oubliés et dont seuls les visages flottent dans la mémoire collective. Ils apparaissent à l'écran comme, sur un vitrail, tel chevalier terrassant un dragon : l'icône est familière au plus mécréant, mais était-ce Saint-Georges ou Saint-Michel ? L'enthousiaste, seul, reconnait Joe Viterelli ou Vincent Schiavelli. La liste est longue de ceux qui s'entassent dans ce Panthéon mal éclairé : Jürgen Prochnow, Patrick Bauchau, J.K. Simmons, James Cromwell, Holland Taylor, Robert Prosky... Des querelles de chapelle apparaissent : Max von Sydow est-il trop connu ? et Christopher Plummer ? et Vincent Price ?
Pourquoi tout cela ? A cause de tout le reste : Anything else n'est pas un grand Woody Allen. C'est un film honnête, mais un peu lent, un peu bavard, sans la magie ou la folie qui illuminent les meilleurs opus. Pour autant, je le reverrai sans déplaisir et je le conseillerai à quiconque. Car Danny De Vito. Même plus besoin de verbe : Danny De Vito, dans une scène surtout, que je ne dévoilerai pas, Danny De Vito est l'action. Danny De Vito s'installe à table, bouscule involontairement la table, la salière manque tomber, Danny De Vito la stabilise d'une main, s'excuse auprès de la star, s'assoit, attend, écoute, est surpris, est peiné, est énervé, vocifère, postillonne, n'essuie pas la bave qui lui reste sur le menton, hurle, envahit le décor et le parcourt comme une boule, un flipper. Pour cette scène, et pour sa chute, je reverrai ce film, inévitablement.
Inévitablement, aussi, une légère tristesse m'étreint lorsque je croise un de ces merveilleux seconds couteaux. Joe Viterelli a-t-il toujours rêvé de ne jouer que des hommes de main mafieux ? Danny De Vito n'aurait-il pas voulu, un jour, être un jeune premier ? Christopher Lee n'aimerait-il pas, un jour, ne pas faire peur ? Que font-ils tous, entre deux films ? J'aime les imaginer jouant Shakespeare dans un petit théâtre poussiéreux où l'on ne les oblige pas à être eux-mêmes. Ils y jouent sous pseudonyme ou exigent pour leur nom le corps de police le plus minuscule de l'affiche. Le texte est bon : pas de miracle pour aujourd'hui, c'est relâche, c'est récréation. John Goodman est Roméo, Mariane Sägebrecht est Juliette, le balcon n'a qu'à bien se tenir.
Peut-être, plus simplement, attendent-ils tous les matins le scénario de leur vie en enviant Bill Murray dans Lost In Translation.
Commentaires
Vu que j'avais un peu de temps devant moi, j'ai cherché un peu..
Il y a déjà des acteurs de seconds rôles qui même s'ils ne sauvent pas un film, sont bons même dans les pires navets : David Morse, Ed Harris, Liev Schreiber, Stanley Tucci, Alan Rickman, Bill Murray, Michael Madsen, Heath Ledger, Ed Harris, Gabriel Byrne, Giovanni Ribisi, John Hannah, Steve Buscemi, Tommy Lee Jones, Ruppert Everett, Kevin Kline ...
Après y a les acteurs "bankable" qui arrive à donner un intérêt à un film juste par leur présence : Brad Pitt dans Snatch, Bruce Willis dans Hudson Hawk, Johnny Depp dans Desperado 2..
Et enfin les acteurs qui d'un coup ont envie de jouer un méchant, choisissent n'importe quel film pour ça et deviennent le seul attrait du film : John Travolta dans Broken Arrow, James Woods dans l'Expert, Robert De Niro dans Le Fan, Gary Sinise dans La Rançon, Ray Liotta dans Obsession Fatale et Turbulences à 30000 Pieds, Bruce Payne dans Passager 57, Gary Oldman dans Leon et Perdu dans l'Espace, Morgan Freeman dans Pluie d'Enfer, Mickael Keaton dans L'Enjeu, ...
Pour tous ceux là, il reste un mystère, est ce qu'ils savaient que le film était pourri mais qu'ils se distingueraient dedans...
Oh le beau pavé illisible...
Val, tu viens très légèrement d'écrire en commentaire ce que je comptais écrire dans mon prochain billet... Qu'à cela ne tienne, cela me laissera plus de temps pour corriger cette damnée feuille de style.
Déjà, les pavés sont un peu plus lisibles. Que pensez-vous de la police ? Peut-être un peu petite, pour les commentaires, ou cela vous semble-t-il bon ? Ne manquerait plus que j'arrive à faire tenir la date sur une ligne et je serais heureux...
Les acteurs bankables ne sont jamais critiquables.
Moi, la police me va très bien.
Quant au contenu, pour la liste de FabriceD, j'ai une ou deux réminiscences vagues et un nom bien connu (notre ami le québécois, bien sûr). Par contre, les seconds rôles de Val sont loin d'être systématiques. Il suffit de noter la répétition d'un des noms pour comprendre qu'ils ne peuvent pas être qualifiés ainsi, pour beaucoup d'entre eux...
Moi, la police me va très bien.
Quant au contenu, pour la liste de FabriceD, j'ai une ou deux réminiscences vagues et un nom bien connu (notre ami le québécois, bien sûr). Par contre, les seconds rôles de Val sont loin d'être systématiques. Il suffit de noter la répétition d'un des noms pour comprendre qu'ils ne peuvent pas être qualifiés ainsi, pour beaucoup d'entre eux...
C'est au regard de leur filmographie complète qu'ils sont considérables comme "seconds rôles", leurs premiers rôles éventuels étant peu nombreux ou peu remarquable.
Et pas la peine de répéter ton commentaire pour te faire comprendre !
Mon autre commentaire était "Serveur en vrac, message en double". Mais le serveur n'en a pas voulu. :-/