Thesaurus
Par FabriceD le samedi 20 février 2010, 22:05 - Doux délires - Lien permanent
On équeute les haricots verts, on écosse les petits pois, on égraine le raisin ; on décortique les noix, on monde les amandes, on dénoyaute les cerises ; on concasse les tomates, on hache la viande, on presse les fruits ; on cisèle la ciboulette, on pile l'ail, on émince les oignons ; on plume la volaille, on pare le poisson, on débite un bœuf ; on vide le poisson, on désosse la caille, on écaille les œufs ; on faisande le gibier, on vieillit le vin, on affine le fromage ; on allonge la sauce, on réduit le jus, on déglace la marmite ; on abaisse la pâte, on réserve l'appareil, on beurre le moule à manqué.
Ce que c'est, tout de même, d'aimer le jargon et la grammaire ! Ce moule à manqué ! Voilà qui est aussi douloureux que plaisant. Et s'il n'y avait que ça ! Il y a la duxelles de champignon, singulière à force d'avoir l'air plurielle : c'est le cuisinier du marquis d'Uxelles qui l'a inventée — c'est là qu'est l's.
J'aime tout ce que ce jargon, ces verbes qu'on ne croise que dans les livres de cuisine et qui nous laissent désemparés. Julian Barnes en a fait tout un chapitre : hacher finement les oignons ou les ciseler grossièrement, quelle différence ? (C'est dans The Pedant in the Kitchen, que je vous conseille évidemment.) J'aime tout ce jargon car, passée l'inquiétude de mal faire, on y voit la marque d'une technique, d'un art, d'une culture. On ne comprends finement que ce qu'on nomme finement : en l'occurrence, le passage, le lien d'une nature brute à la sophistication d'une blanquette de veau.
C'est le lien, le passage, le verbe, qui importent : lorsque le poisson est livré cubique, et le fromage carré, et la mayonnaise en tube, la nature s'éloigne jusqu'à disparaître tandis que le vocabulaire s'appauvrit. Salade, tomates, oignons ?
Commentaires
Alors va donc poster un commentaire sur amazon, les critiques ne sont pas super top " Divertissant, sans plus.". A plouche