Toul
Par FabriceD le jeudi 27 janvier 2011, 21:35 - Sous-préfectures et assimilées - Lien permanent
Je suis venu à Toul par la quiche lorraine, par Pie VII et par la carte Michelin. Certains jours, le destin insiste ainsi, lourdement, comme un mauvais auteur qui plombe son polar d'indices trop gros. Un repas sur la place Stanislas, une quiche lorraine, le conseil du sommelier : Avec une quiche, prenez donc un gris de Toul.
Une visite de la cathédrale de Nancy : Le diocèse de Nancy a été érigé en évêché par Pie VII, en 1777, en remplacement de l'évêché de Toul.
Un coup d'œil à la carte : SP, Toul est une sous-préfecture !
Le destin sait me convaincre : de la picole, une cathédrale, une sous-préfecture. Des fortifications de Vauban en bonus. Il ne manquait à Toul que d'être thermale pour être parfaite, pensais-je.
Le destin, surtout, sait m'abuser.
Toul est viticole comme Saint-Pourçain-sur-Sioule : on s'en approche sans voir de vigne, on en repart sans voir de vigne, les bouteilles poussent directement dans les vitrines des cavistes. (Ce doit être un snobisme, pour imiter la Capitale, qui cache ses champignonnières dans les sanitaires de certains hôtels.) Pas de collines soigneusement peignées de vert ; pas de versants abruptes où les ceps s'accrochent comme des mouflons et où les tracteurs roulent en dahu ; pas de terrasses intrigantes comme un paysage d'orient. Rien. À croire que le gris de Toul jaillit du sol, résurge ou suinte comme l'or noir.
Toul est grise et galeuse, enfermée dans l'enclos de ses pauvres remparts, serrée peureusement autour de sa superbe cathédrale. Ce fut l'évêché le plus riche de Lorraine, il y a bien longtemps. L'enceinte est creusée de l'intérieur, on y a fait des garages. Pour oublier la ville, on se réfugie dans la cathédrale : un cloître la jouxte, magnifique et paisible. Mais un filet protège le touriste des pierres qui pourraient tomber, un échafaudage grimpe entre les arcs-boutants comme un eczéma sur un mollet.
On cherche enfin la sous-préfecture, on trouve un triste petit immeuble avec, au rez-de-chaussée, un rideau de fer baissé. Ce pourrait être aussi bien un bureau de poste désaffecté, un presbytère en mal de curé ou un de ces commerces qui passe de main en main sans jamais prospérer. Un jeune à casquette appuyé à une barrière attend devant, on ne sait quoi.
On désespère et on s'apprête à repartir. À deux pas de la cathédrale, enfin un joyau que nous avions distraitement frôlé : un gros hôtel particulier de pierre blanche brossée, séparant une cour pavée d'un parc élégant. C'est la mairie, nulle par indiquée, que le destin, taquin, cherchait à nous cacher.