Lettres à Maricou
Par FabriceD le samedi 17 septembre 2011, 22:11 - Pile de livres - Lien permanent
Certains journalistes semblent des insectes xylophages qui ne sauraient s'éloigner trop de leur marronnier : ils se font termite pour explorer l'immobilier, scarabée doré pour approcher les riches, bête-à-bon-dieu pour contrecarrer les francs-maçons. Mais les métaphores sont trop dangereuses pour les manier à la légère : le journaliste en vermine, c'est le rêve de tous les exterminateurs. Disons donc que certains vont à la facilité.
Ma facilité, c'est Vialatte : c'est le nord que suit le pigeon, l'aimant auquel se colle la limaille, le beau meuble sous lequel roule la poussière. Plus qu'une facilité, un confort : les phrases de Vialatte, ce sont ces poêles auxquels Maigret passe sont temps à se coller ; son lyrisme ces fines à l'eau, dont il s’enivre.
Il y avait longtemps qu'on n'avait pas parlé de Vialatte ici.
Je referme ses Lettres à Maricou. Comme j'ai hésité à l'ouvrir, ce petit livre si joli ! Tout ceci est si compliqué, sous des abords si simples : on devrait, croit-on, se tenir aux écrits des écrivains, aux romans des romanciers, aux poèmes des poètes. Les grandes lignes sont là. Mais tous ces romans qu'il a laissés inédits, ne peut-on pas les lire eux aussi ? Il était journaliste, on lit ses chroniques. Auvergnat, on lit son Auvergne absolue. À force de tirer sur le fil, tout le vêtement vient et révèle des endroits plus intimes. On se convainc qu'une correspondance d'écrivains est toujours de la littérature, ou au moins un à-côté suffisamment proche pour justifier l'intrusion d'un lecteur. Mais Maricou n'était pas écrivain ! Les lettres à Maricou ne sont pas celles à Pourrat : l'une charnue, l'autre barbu, Vialatte remarquait ces nuances. Ce sont les lettres d'un amoureux de vingt-trois ans ! Comment oser les lire ?
Je les ai lues pourtant et j'ai bien fait, car Vialatte amoureux reste Vialatte. Fantaisiste : Henriette Maricou y est tantôt Yetto
, tantôt mon vieux Maricou
. Provincial : dès la deuxième lettre paraît l'adjectif sous-préfectoral
. Inattendu : je vous aime comme un veau
. Et poétique, lettré, triste. Son rire semble toujours cacher comme une douleur et, quand il pleure enfin, il continue d'en rire.
Vialatte, écrivain notoirement méconnu
, chroniqueur de génie, aura donc marqué un genre mineur de plus : la correspondance d'amour non réciproque.