La Part-Dieu
Par RomainT le jeudi 22 mars 2012, 23:39 - Accords et désaccords - Lien permanent
Certains quartiers de Lyon sont architecturalement bien préservés : le vieux Lyon bien sûr, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO ; les pentes de la Croix-Rousse, avec leurs immeubles de canuts ; la Presqu’île, particulièrement entre la place Bellecour et la place des Terreaux ; les quais de Rhône, qui alignent leur double rangée de façades magnifiques sur des kilomètres de Perrache à Caluire (avec quelques verrues toutefois : l’horrible Sofitel, certains immeubles des années 1970 ici et là).
D’autres quartiers n’ont pas cette chance. Celui de la Part-Dieu, auquel j’ajoute ses abords à cheval sur les 3e et 6e arrondissements, en est peut-être le plus criant exemple.
Soit une gare, des voies de chemin de fer, un centre commercial, des immeubles de bureau, des immeubles d’habitation et des grands axes de circulation routière. Répartissez le tout dans un carré d’un bon kilomètre de côté, sans vous soucier de grand chose, ni des styles qui jurent ni de beaucoup de questions d’urbanisme comme on l’entendrait aujourd’hui, et vous avez le quartier de la Part-Dieu.
L’endroit est très disparate. La gare, très années 1980, concourt sans vraiment de concurrence à ce niveau au titre de plus laide de France. Les immeubles d’habitation au nord du cours Lafayette sont la partie la plus horrible du 6e arrondissement : façades préfabriquées, grandes barres de dix étages ou plus, d’à peu près toutes les couleurs. Les immeubles de bureau sont eux aussi de tous les styles, sans préoccupation d’harmonie (fût-elle minimale) : façades avec plaquage répétitif boîte d’œuf
des années 1950 ou 1960, immeubles avec vitres en verre fumé années 1970 tel celui de la Caisse d’Épargne, façades plus classiques mais ternes de toutes époques. A côté de ça, on trouve aussi des immeubles typiquement lyonnais plus élégants de la fin du XIXe ou du début XXe. Témoins, cette belle école maternelle cours Lafayette, face aux Halles de Lyon, ou le non moins bel immeuble en brique noisette et pierre du même côté du cours, un peu plus loin, que je vois de mon bureau. Quelques bâtiments Art déco : le centre de formation de la rue Boileau, la bourse du travail, et bien des immeubles rue Duguesclin par exemple ; quelques perles de style international : les grandes barres 100 Lafayette
qu’on jurerait de Le Corbusier (et qui sont classées, leurs détracteurs ne les verront donc jamais par terre), celles qui sont rue du Lac, aux stores colorés qui font penser à un Tetris géant. On croise aussi une pincée d’immeubles plus ou moins modernes, aléatoirement répartis : le nouveau palais de justice (1995), la Tour oxygène (2010), des immeubles d’habitation en construction rue Tête d’Or…
Il semble que le quartier puisse encore vivre des décennies sur un tel rythme, de cet assemblage composite de styles très différents qui renouvelle périodiquement l’un ou l’autre de ses îlots, sans faire corps avec l’existant. A moins que la couverture de la rue Garibaldi ne soit le prélude à des changements plus cohérents. Pour l’instant, la Part-Dieu est notre petit Bruxelles, mais c’est certainement pour ses tares qu’on l’aime.
Commentaires
La gare de la Part-Dieu ne peut pas être belle. En tout cas, pas de l'extérieur. A cela, une simple raison : elle n'existe pas. Elle est entièrement noyée dans un ensemble d'immeubles aux fonctions diverses (hôtel, bureaux, habitations, commerces, etc.). Il n'y a guère que les deux façades, et encore, relativement basses, du fait de l'insertion sus-citée, pour montrer qu'elle est là et pour servir de support à la critique.
Quant à son intérieur, sans toutefois rivaliser avec celui des gares TGV des années 90 et 2000, je le préfère de loin à celui de la gare de Perrache, exigu et vieillot. Je concède que des piliers plus fins et un hall plus grand eussent amélioré la sensation de l'usager. Mais les voies au-dessus d'une part et l'augmentation irrémédiable de la fréquentation depuis sa conception d'autre part, font des premiers une impossibilité et du second une problématique plus temporelle que réellement architecturale.
Sa façade est repoussante, si on peut parler de façade. Ce qui n'est pas le cas de la gare de Perrache même si elle est masquée par le centre d'échange. Quant à son intérieur, j'admets qu'il est aussi malcommode en soi (c'est-à-dire vide) que celui de la gare de Perrache. Pour autant, quand il y a du monde dedans, la gare de la Part-Dieu est invivable : les vendredis soirs, les jours de vacances scolaires, les jours de fêtes, et les périodes de vacances à la montagne (soit tout l'hiver, une partie du printemps et une bonne partie de l'été). La gare de la Part Dieu m'apparaît donc au final comme plus horrible en tous points que celle de Perrache.
Bon, il y a longtemps que je n'ai pas pris un train à Perrache...
De la la question : vaut-il mieux monter dans la gare pour redescendre sur les quais ou entrer dans la gare pour monter ensuite sur les quais ? Remarquez que la question est valable pour toutes les gares munies de passages piétons dénivelés par rapport aux voies, c'est à dire pas loin de toutes, aujourd'hui, je pense.
Et pour être plus précis, je me contenterai d'une simple comparaison : 51 millions de voyageurs/an à Part-Dieu, 10 millions à Perrache (en 2010), selon Wikipedia. Et je peux dire qu'en choisissant les bons jours (et les bons horaires), Perrache est aussi capable d'être invivable...
Il reste que de toutes les gares très fréquentées où j'ai pu mettre les pieds, celle de la Part-Dieu est la plus laide. Après, si le quartier de la Part-Dieu n'avait que sa gare de moche, ça serait un moindre mal !
Apanage de ces bâtiments trop modernes pour avoir le cachet de l'ancien et trop ancien pour avoir le style du moderne. Une sorte de no man's land architectural, en quelque sorte.