Un peu de virtuosité pianistique
Par RomainT le lundi 10 juin 2013, 19:40 - Accords et désaccords - Lien permanent
La virtuosité, c’est de pouvoir jouer pianissimo.
Le grand interprète Arcadi Volodos, semblant renier sa jeunesse débridée (pianistiquement parlant), lâche cette phrase au cours d’une interview pour Diapason. Sviatoslav Richter ou Vladimir Horowitz auraient pu dire la même chose, et il me semble que c’est une forme de pédanterie, un snobisme.
Celui du pianiste qui justement a une telle technique qu’elle lui permette de ne plus se soucier que du pianissimo. Ou du legato. Ou du mettez-ici-un-terme-italien-en-o.
Il y a bien des pianistes qui n’ont pas l’abattage des précités mais peut-être d’aussi beaux pianissimos, peut-être pas une telle vélocité ou une fluidité aussi impressionnante, alors même qu’elle ne gâte rien dans certains répertoires : de Volodos, je prends tout de la folle technique de son album Liszt, octaves et pianissimos, sonorité et fortissimos. (Pas évident non plus, de beaux
forte : ni agressifs, ni secs, pas trop métalliques.) La virtuosité n’est pas une fin en soi mais elle est parfois en elle-même une source de plaisir, aussi grande que le plaisir de la musique devant laquelle elle peut s’effacer. Parce qu’on ne peut pas vivre avec les seules sonates de Schubert, on écoute aussi les transcriptions de Liszt de Lieder du même Schubert. Et on admire quand c’est magnifiquement joué, même si ces morceaux comprennent des passages un peu gratuits, ici où là moins de musique que dans d’autres pièces…
Un virtuose est peut-être un artiste qui réussit imperceptiblement à faire croire à l’auditeur qu’il en a encore sous le pied. Qu’il est paradoxalement à un niveau de maitrise superlatif et qu’il peut faire plus encore. Horowitz, dans les Scènes d’enfants de Schumann, arrive à jouer des passages d’une ténuité incroyable, à la limite de l’audible ; on en revient pas, au point de ne pas y croire tant il chuchote encore plus les mesures d’après. Ovchinnikov, dans les Douze études d’exécution transcendante de Liszt, parvient je ne sais comment à accélérer dans des passages où l’on croit qu’il a atteint une limite physique ; à donner plus d’ampleur à son piano qui sonne déjà comme un orchestre symphonique.
Alfred Cortot n’est pas toujours un virtuose.