Quart d’almanach
Par FabriceD le lundi 5 août 2013, 23:13 - Petits riens - Lien permanent
Ah ! ces jours où l’inspiration volette comme une abeille de fleur en fleur, faisant son miel d’un rien, d’une pensée fugace ou d’un souci léger, testant, goûtant, tentant, sans jamais se poser, sans jamais s’arrêter. Ah ! qu’ils sont doux, ces jours, mais qu’ils sont loin… L’esprit est cette mouche empêtrée dans le saindoux qui suinte au fond de la poêle ; et le corps, collé à ses vêtements que la sueur empèse comme le suint, la laine du mouton. Le temps n’appelle plus à la paresse : on aspire à l’anéantissement, on guette le ciel, on prie pour l’apocalypse. Que vienne enfin l’orage, la foudre, le tonnerre, la grêle, les torrents, les fleuves, quoi ! les averses de grenouilles, les nuages de sauterelles, qu’importe pourvu qu’arrivent quelques gouttes de pluie, un instant de fraîcheur. Aussitôt, on hésite et l’on s’en veut : les pauvres agriculteurs, et les hôteliers, et les sinistrés, y pensait-on ? Et les viticulteurs, surtout, dont les pertes présentes sont nos tristesses futures ! On se reprend, on se concentre, on imagine l’hiver glacial où le velours du Bourgogne adoucira nos gorges enrouées, où les fruits du Beaujolais feront comme un dessert volé, où les épices du Saint-Chinian nous rappelleront les pays chauds, ces pays où l’air léger caresse la peau comme un voile léger, ces pays où l’air plombé brûle la peau comme le souffle d’un brasier, ces pays où l’air épais a comme un goût de sable — on a beau vouloir oublier, cela nous hante, cela nous tourmente, comme le feu de l’enfer agace les damnés. Les nuages s’accumulent, les oiseaux se taisent, le ciel est d’acier, des étincelles dérisoires le parcourent. Au loin, on devine le grondement du déluge : l’horizon se trouble, les montagnes lointaines disparaissent, on se prend à espérer. Mais ici, rien. Pas un souffle pour troubler la poussière. Pas une larme pour apaiser la terre. Le silence. Quand tout à coup, enfin ! mais non, pas une goutte, juste une plaque d’écorce tombée du tronc d’un platane. Ah ! la chaleur, passe encore, mais cette attente, cette attente qui n’en finit pas, et ce coton immobile qui nous enveloppe, cet étouffement tiède. Que vienne enfin l’automne, qu’on puisse se plaindre de la pluie.