Deux hasards
Par RomainT le mardi 28 août 2012, 19:54 - Petits riens - Lien permanent
Au cours d’une de nos discussions à propos des villes moyennes françaises, Fabrice estimait qu’un des critères de démarcation d’une ville d’un certain rang par rapport aux autres était la présence d’un restaurant (au moins) dénommé Un Singe en hiver. Cela doit pouvoir s’expliquer par le film de 1962, avec Belmondo et Gabin, qui a dû être populaire à une époque. Cela ne s’explique vraisemblablement pas par l’amour des restaurateurs pour la littérature ; car enfin le roman d’Antoine Blondin, dont est tiré le film, ne semble plus vraiment lu aujourd’hui. Nous avons eu loisir de vérifier ou d’infirmer l’hypothèse hardie de Fabrice dans quelques villes du sud-ouest de la France.
Quelques jours plus tard, l’écrivain et critique Pierre Assouline, sur son blog, se posait des questions très voisines. Les restaurants en moins.
*
J’ai lu récemment Adolphe, de Benjamin Constant. Ce court roman de 1816, romantique en diable, dépeint les tourments d’un jeune homme empêtré dans une relation amoureuse qu’il a provoquée mais dont il ne veut plus. En même temps, je lisais La Conscience de Zeno, du romancier italien Italo Svevo. Ce pavé de 1923 est l’un des premiers romans directement inspirés par la psychanalyse. L’écrivain y explore la vie de Zeno et ses relations avec ses proches (ses père, femme, maîtresse, belle famille, associé commercial), entremêlant constamment le récit du déroulement de l’intrigue et la réflexion des personnages sur ce déroulement.
Dans ces deux romans une place envahissante revient au personnage principal ; Constant comme Svevo prennent une page pour décrire les relations entre le héros et leur père, dans leur adolescence. Ces deux pages sont incroyablement proches. Une phrase particulièrement paraît avoir été recopiée par Svevo du livre de Constant, parce qu’au mot près elles sont identiques. Je cite de mémoire : Je ne me souviens pas, pendant mes dix-huit premières années, d’avoir eu un entretien de plus d’une heure avec lui.
Svevo, qui parlait français couramment, avait-il un Adolphe dans sa bibliothèque ?