dimanche 28 juin 2020

A voté

Aujourd’hui, comme à chaque tour de scrutin depuis que j’en ai le droit, je suis allé voter. Je vote dans une école maternelle et primaire à deux pas, en allant vers la Guillotière, dans une partie du quartier plus populaire que les abords immédiats de mon immeuble. Devant nous deux jeunes gens, la grosse vingtaine, probablement frères ou très bons amis, faisaient la queue et discutaient. Leurs parents, grands-parents sont peut-être arrivés du Maroc ou d’Algérie il y a quelques décennies, je ne sais pas. Le quart d’heure que nous avons attendu derrière eux, ils l’ont passé à se rappeler l’un à l’autre les souvenirs qu’ils avaient gardés de leur scolarité dans cet établissement : la cour de récré, les classes de petite et de grande section (non, c’était au fond au premier étage les grandes sections !), oh tu te souviens ? on jouait au foot dans ce coin-là.

Ils sont entrés et ont voté dans leur ancienne école avant de ressortir joyeux, ce qui m’a donné le sourire pour le reste de l’après-midi.

jeudi 18 juin 2020

Jouer aux échecs avec Mireille

Mireille ne dédaignait pas, de temps à autres, de jouer une partie d’échecs avec moi. Contrairement à d’autres joueurs très occasionnels de mon entourage, comme mon père ou mon beau-père, Mireille n’a jamais joué pour me faire plaisir, mais bien pour son plaisir. Sans faire injure à sa mémoire, Mireille était loin d’être une forte joueuse ; son jeu allait toutefois au-delà de la simple connaissance des règles. Jouer une partie usuelle n’avait pas beaucoup d’intérêt pour moi en dehors du fait de passer du temps avec ma grand-mère, car je gagnais à chaque fois. Je me mis donc en tête un jour de pimenter nos parties en m’essayant au jeu à l’aveugle. Si à partir d’un certain niveau il est plus facile qu’on ne pense de jouer une partie d’échecs sans regarder l’échiquier, il est en revanche difficile de bien jouer à l’aveugle. Je parle d’un niveau de départ de bon joueur de club (c’est-à-dire mon niveau), pas de professionnels, maîtres ou grands maîtres, qui pour l’immense majorité d’entre eux ont même à l’aveugle un jeu excellent.

J’ai perdu de nombreuses parties ! mais j’ai fini par les gagner toutes. J’étais loin de bien jouer à l’aveugle, mais je me débrouillais. Ce que je trouve complexe dans cette forme de jeu, ce sont les parties très stratégiques avec plein de matériel sur l’échiquier, où peu de pièces et de pions bougent, dans lesquelles les adversaires louvoient derrière leurs lignes ; les parties qui durent un grand nombre de coups, bref, tout ce qui est propice à l’oubli de la position de tel ou tel élément dans un coin de l’échiquier. J’avais mes méthodes : j’essayais le plus souvent d’échanger des pièces pour simplifier la lisibilité du jeu, je tâchais que nos parties conservent un caractère très tactique et mouvementé, des lignes ouvertes, je jouais sauvagement l’attaque de mat afin d’écourter au maximum les milieux de jeu épuisants pour la mémoire. Ce n’était certes pas charitable, j’essayais de poser un maximum de pièges pour empocher du matériel. Mireille y tombait allègrement faute d’être suffisamment expérimentée : elle défendait souvent mal ses troupes, ne prenant pas suffisamment garde au nombre d’attaquants et défenseurs d’une pièce. Mireille ne méditait pas assez le conseil de l’un de mes professeurs de mathématiques de lycée avec qui je jouais des blitz de deux minutes certains midis, conseil que je lui répétais pourtant à l’envi : les échecs sont un jeu simple, il suffit de savoir compter. Elle était bien meilleure stratège que tacticienne, mais pour paraphraser Tartakover, aux échecs, s’il faut savoir quoi faire quand il n’y a rien à faire (la stratégie), il faut aussi savoir quoi faire quand il y a quelque chose à faire (la tactique) ! 

vendredi 8 novembre 2019

Tombé sur la verrière

Une verrière, qui recouvre la cuisine, forme une cible facile pour les éléments comme pour cinq copropriétaires en mal de poubelles qui la surplombent. Voici les objets tombés dessus et y ramassés par mes soins depuis six ans : feuilles, branchages, morceaux de tuiles ; une barre de béton armé rouillée (deux mètres de long, diamètre 20 mm), une plante sans son pot ; mégots, cotons-tiges, squelettes de grappes de raisin ; une tranche de pain de mie, un gant de toilette, une serpillère, un paquet de mouchoirs en papier, une écharpe.

Écho du souvenir fasciné du canal de l’Ourcq près duquel j’ai habité enfant, qu’on draguait parfois : on remontait des profondeurs arbres décomposés, carcasses de voitures, de vélos, d’appareils électroménagers de toute sorte, spectres d’étendoirs à linge et autres objets métalliques de forme et d’usage rendus indéterminés par les eaux.

mardi 5 novembre 2019

Nouveautés ?

Dans son journal, Alan Bennett se souvient de ses premières vacances à l’hôtel avec ses parents. C’était, je crois, à Morecambe. Il raconte sa mortification à la découverte du papier, dans les toilettes, et de cette première feuille pliée en triangle par la femme de ménage. N’était-ce qu’une fantaisie d’hôtel balnéaire ou toutes les familles se livraient-elles à cet origami hygiénique, sauf la sienne, trop middle class, trop common ?

Mon premier séjour d’agrément dans un hôtel fut à Forcalquier, à l’auberge du Lion d’or, avec Romain. J’avais 25 ou 26 ans et c’était comme une double infraction : aux bonnes mœurs, un peu, en confirmant au réceptionniste que, oui, nous souhaitions bien une chambre avec un lit double ; à ordre des choses, surtout, en goûtant à ce luxe réservé aux riches, l’hôtel de sous-préfecture. J’ai constaté cet été que l’auberge du Lion d’or avait fermé et j’ai perdu, entre temps, ces pudeurs.

Elles ne me reviennent que de temps en temps — et toujours à table.

Avant ma vie d’adulte, je ne me souviens réellement que de cinq restaurants : la cafétéria du Géant Casino, lorsque mes parents cédaient à mon insistance et où je prenais toujours un steak haché alors que je n’ai jamais aimé cela ; la pizzeria du Lypocan où l’on allait chercher l’exotisme des fresques rosâtres ; le Phénix, près de la poste centrale, et la Tonkinoise, dans la petite rue des Gras, dont les patrons toléraient les débordements des premières sorties lycéennes ; l’auberge du Pondy où nous amenait systématiquement mon grand-père lorsqu’il y avait matière à fêter.

En écrivant cela, d’autres reviennent, mais plus rares, moins institutionnels. Ces cinq-là ont formé sinon mon goût, du moins un cadre. Et lorsqu’arrive devant moi un plat nouveau, je ne peux m’empêcher de questionner son originalité.

Aucun doute : la vague de betterave chioggia d’il y a un ou deux ans était inédite et, heureusement, le reflux est désormais bien entamé. Mais le ceviche ? Zone d’ombre d’une enfance de classe moyenne auvergnate ou apport tardif de la mondialisation ? Et le saumon gravelax ? Les espumas ?

L’insécurité jusqu’au cœur des cromesquis.

jeudi 24 octobre 2019

Madeleine, bis

 

Est-ce d’avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d’hier ?

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mercredi 16 octobre 2019

Goûts et couleurs

 

Quelques-unes des nuances employées par ma mère, selon mon souvenir.

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dimanche 6 octobre 2019

Le chien de monsieur Vialatte

Mais nous dissertons sur le chien sans l’avoir vraiment défini. Ce qui peut paraître peu scientifique. C’est que tout le monde a la notion de chien. Si on ne l’a pas, on peut y suppléer, en gros, en imaginant, par exemple, un éléphant sans trompe et sans défenses, qui serait cinq mille fois moins lourd. Ou un crocodile africain sans plumes, sans ailes ; avec la gueule moins longue, la queue plus courte et les pattes plus hautes, qui aurait la taille du chien qu’on cherche à concevoir. Ou encore un lapin géant, modifié pour les besoins de la cause. On peut aussi prendre un bouchon et y planter quatre allumettes qui feront les pattes. Résumons-nous : toutes les méthodes sont bonnes si le résultat est vraiment ressemblant.

Alexandre Vialatte, chronique dans Le Spectacle du monde, n°83, février 1969

vendredi 13 septembre 2019

Quatrième visite décennale

La quarantaine approche comme un de ces premiers soirs d’hiver, dont on craint de se relever au lendemain d’un automne indien dans une grisaille sans fin à laquelle ne pourra succéder qu’une nuit plus longue. (Je parle bien sûr de la quarantaine d’âge, pas de l’ostracisme déjà manifeste des jeunes inquiets d’établir entre eux et moi une zone-tampon à même de rassurer leur fraîcheur d’une contagion possible.) Avant de céder aux obligations de ce nouvel âge – avant donc de m’acheter une voiture rouge, une montre suisse et un minet latin – il me reste un peu de temps pour ce point d’étape.

Trois talents de ma jeunesse désormais disparus

  • Alimenter régulièrement ce petit chosier de billets dans un style qui se voulait original mais trahissait le lecteur trop influençable de Terry Pratchett et Alexandre Vialatte ;
  • Incarner sur des scènes confidentielles des vieillards ridicules dans leur carcasse d’adolescent ou, une seule fois, un monsieur digne repassant en caleçon la chemise qu’il allait enfiler ;
  • Affronter le lendemain d’une bouteille de cognac avec la grâce d’une rose après l’ondée.

Trois talents par la maturité révélés

  • Survivre à des épreuves violentes (courir, voir des amis, aller au bureau) sans vomir d’angoisse avant, ni d’épuisement après ;
  • Gagner l’admiration de la génération montante – mi-laxiste, mi-analphabète – en détectant sans faillir ses fautes d’accord, ses erreurs typographiques et ses participes indûment remplacés par des participes passés ;
  • Organiser ma pensée sous forme de liste facilement assimilable par un public peu intéressé.

Trois talents d’un siècle à l’autre conservés

  • Charmer, par un indicible mélange de canaillerie, de manières surannées et de bonnes joues qu’on rêverait de pincer, les dames plus âgées que moi ;
  • Tenter de séduire certains messieurs au moyen d’un baguenaudage si discret ou si maladroit qu’il n’entame pas leur patience et ne provoque aucun effet ;
  • Savoir que les éléments d’une liste se terminent par un point-virgule sauf le dernier qui exige un point.

Pour reprendre l’expression de Georges Marchais – référence déjà datée dans ma prime jeunesse, tiens-je à préciser – il me semble que cette relative vieillesse a, jusqu’à présent, un bilan globalement positif.

lundi 24 juin 2019

Plier des draps avec Mireille

La première fois que j’ai plié des draps, c’était certainement avec ma mère. Je ne m’en souviens pas, mais me rappelle au contraire très bien de cette activité domestique pratiquée avec Mireille : elle jouait au jeu qui consiste, sans en avoir l’air, alors que chaque plieur tient les coins dans ses mains, à tirer d’un coup sec pour faire lâcher prise à l’autre. Cela me faisait beaucoup rire quand j’étais enfant, et trente ans plus tard je joue au même jeu. Pimentons notre quotidien, égayons les tâches ménagères avec ce qu’il faut de loufoquerie modérée que personne ne soupçonne (hormis peut-être vous, lecteur).

Mais je m’endors sur mon sujet et si le lit est fait, les draps propres et secs ne sont pas encore pliés.

Fabrice a parfois perdu son âme d’enfant. Lui, en pareille situation, m’assure systématiquement que si j’ai le côté avec le pied de la housse de couette, je n’y arriverai pas. Rengaine infondée, c’est l’exact inverse ! il n’a pas le coup de main et patauge dans les pans de tissu surnuméraires. Son jeu est nettement moins drôle, vous en conviendrez, d’autant moins connaissant ma légendaire dextérité drapière. Ne riant pas toujours des mêmes choses, on n’en finit pas moins dans de beaux draps.

vendredi 29 mars 2019

L'anneau de Mireille

En passant cet après-midi devant la vitrine d’un bijoutier qui présentait de belles alliances en platine, m’est immédiatement revenu à l’esprit le souvenir d’un anneau que portait Mireille, d’une grande simplicité : c’était un très fin tore de ce même métal, dont le diamètre ne devait pas faire plus d’un demi-millimètre. Elle m’avait dit l’avoir fait faire à partir d’une épingle à cravate d’un parent, dont ni elle ni Guy n’avaient plus l’utilité.

Cette bague matie par le temps, mais restée élégante grace à la pureté de sa ligne, un peu à la manière d’un bijou scandinave, je revois Mireille l’ôter pour faire la vaisselle, la glisser à nouveau à son annulaire après s’être lavé les mains. Je me demande ce qu’elle est devenue, ne l’ayant plus jamais vue aux doigts de personne, ni de ma mère, ni de ma tante, ni d’un homme de la famille.

mardi 26 mars 2019

Paris - Lyon, Lyon - Paris

 

(Je veux parler du trajet en TGV.)

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dimanche 10 février 2019

La Comédie humaine (4)

Je suis pas parvenu à identifier d’angle saillant pour parler comme je l’aurais voulu des quelques Balzac lus en 2018 : Les Secrets de la princesse de Cadignan, Facino Cane, Sarrasine, Pierre Grassou, La Cousine Bette, Le Cousin Pons, Un Homme d’affaires, Un Prince de la Bohème, Gaudissart II, Les Employés.

La Cousine Bette et Le Cousin Pons sont de grands romans absolument effrayants. C’est que Balzac l’est : effrayant de maitrise dans sa création d’êtres tantôt frivoles, diaboliques, faibles ou calculateurs. J’ai préféré Le Cousin Pons, parce que le héros est une figure positive que j’ai trouvée attachante, dans sa lutte contre le rouleau compresseur des forts et dans sa passion jusqu’au bout. Mais cela a finalement peu d’importance au regard de la démiurgie balzacienne, cette puissance de fiction qu’il déploie d’un roman à l’autre et dont la variété et la profondeur des personnages est l’un des principaux outil ; oui, c’est bien ainsi que Balzac est grand.

vendredi 18 janvier 2019

Le songe de Dantzig

Chambord-des-songes est un essai très Charles Dantzig. L’écrivain m’est cher et apparaît souvent au détour d’un texte ou l’autre de ce Petit chosier (ici, au sujet d’À propos des chefs-d’œuvre, par exemple).

Vibrionnant, drôle, tranchant, fait de digressions subtiles autant que de jugements à l’emporte-pièce ; de pages imagées qui élèvent, vous portent ailleurs ; de développements plus terriens qui vous collent au sol et vous replacent dans le cadre quotidien contemporain. Le ton est personnel, reconnaissable dès le premier paragraphe, avec ce goût de l’aphorisme dont Dantzig farcit chacun de ses livres. Cela foisonne, cela fourmille, c’est cette richesse renouvelée à chaque opus que le lecteur espère d’un auteur si divers.

« L’art plaît par la surprise et se maintient par la pantoufle. »

Charles Dantzig explore le concept de château et ses ramifications, avec comme point d’attache celui qui est pour lui LE château : Chambord. Il s’y engouffre, épuise son objet tantôt en le détourant à la machette, tantôt en le caressant de la pulpe des doigts. Il explore, par de courts chapitres centrés sur un sujet, ce qui peut concerner de près ou de loin ce château : la Renaissance, le roi, le vêtement, les hommes de l’art, l’architecture, la mode… Chapitres prétextes à une plongée dans une époque et ses traits distinctifs, certes, mais Dantzig revient toujours au présent, entremêlant ses phrases sur le temps de François 1er et ses pensées sur le monde actuel. Qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit surtout de nous : ce que l’on aime, comment on vit, ce qui nous dirige (et ceux qui nous dirigent) forment comme un sous-ensemble au cœur du thème Chambord. À l’entrée « Anciens et Modernes » de son Dictionnaire égoïste de la littérature française, Dantzig avait déjà choisi son camp : « Quand il y a querelle entre les Anciens et les Modernes, choisissez les Modernes : c’est vous. »

« Il n’y a pas de passé, hélas. Il n’y a que des ailleurs. »

Chambord-des-songes permet de retrouver des obsessions de Dantzig, qu’il a déjà beaucoup développées (entre autres) dans ses précédents Traité des gestes, Encyclopédie capricieuse du tout et du rien et Dictionnaire égoïste de la littérature française : le goût de la diversité des langues, le voyage, les listes, le dégoût des brutes, toutes les formes d’art et la littérature à leur sommet, l’écrivain comme héros. Je le trouve toujours peu inspiré dans ses rabaissements fréquents de l’ingénieur ou de la technique ; je conviens que c’est un prisme personnel, l’auteur aura les siens. On pourra s’agacer de choses injustes distillées en passant, comme de petites piques, ou par plaisir d’un bon mot. Mais laissons de côté cette sensibilité-là pour ne garder souvenir, la lecture se poursuivant, que du meilleur : un livre qui dès son titre annonce l’évasion et en tient les promesses évocatrices. Le style de Dantzig virevolte et laisse entrer un grand courant d’air frais sur la fin de la décennie 2010, dont tant de recoins (notamment littéraires) sentent le moisi.

Chambord-des-songes, C. Dantzig, Flammarion, janvier 2019.

vendredi 11 janvier 2019

L'édredon de Mireille

Dans la chambre de Guy et Mireille, dans la maison des Sablons, le lit était recouvert d’un édredon.

Ce soir, je flânais dans un grand magasin, je voulais acheter des chaussettes. Mon œil a été attiré par un épais manteau doublé de duvet, plus élégant qu’une doudoune. Il ne serait pas incongru de le porter par dessus un costume, pensais-je, en meme temps que séduit à l’idée de l’allure sportive que ce vêtement me donnerait. Je suis tombé en amour, il était soldé, je l’ai acheté.

Cet achat d’impulsion me semble directement lié au souvenir de l’édredon de Mireille, qui était d’un replet, d’un rebondi tel qu’enfant je n’avais qu’une envie : prendre mon élan et me jeter dessus, m’enfoncer dans le tissu moelleux, sentir la douceur et le volume tout autour de moi, bref, me vautrer dans la plume. Revêtir le manteau m’a instantanément transporté trente ans en arrière lorsque petit garçon je n’en ratais pas une. Mireille me gourmandait du temps que j’étais jeune, faire un plongeon sur l’édredon risquait bien sûr de le déchirer. Je le faisais quand même. L’hiver j’aurai maintenant certains jours sur moi comme un peu de cet édredon.

Corollaire : je vais donner deux manteaux et c’est très bien ainsi.

jeudi 10 janvier 2019

Le rondel de Vierzon

 

« J’ai fantaisie de met’ dans not’ vie un petit grain de fantaisie, youpi, youpi ! »
(Boby Lapointe)

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mercredi 9 janvier 2019

Le tour de Provins

 

Sextine.

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mardi 8 janvier 2019

Paray-le-Monial

À Paray-le-Monial on n’aura pas aussi bien mangé qu’à Autun, où Les Remparts est l’archétype du bon restaurant de province qui propose des plats simples, plutôt copieux, avec une prétention gastronomique mais des prix modiques. On n’aura pas vu la totalité de l’intérieur de la basilique, car un office s’y déroulait et on ne déambule pas pendant les offices. On aura vu le musée du Hiéron, charmant petit musée d’art sacré ouvert et gratuit pendant les fêtes, refait à neuf, dans une maison dessinée en 1890 par l’architecte Noël Bion et pourvue de belles charpentes métalliques apparentes pour soutenir plafonds et toitures (quatre ou cinq salles pour les collections permanentes au rez-de-chaussée, l’équivalent pour une exposition temporaire au sous-sol ; un bel endroit). On aura vu la poste et ses mosaïques Art déco, l’hôtel de ville Renaissance, les belles maisons du centre, mais on aura surtout déjeuné en surplomb des rives de la Bourbince, dans un lieu dont je tairai le nom qui évoque un jeu de mots de coiffeur.

Ce restaurant avec vue oblique sur la basilique affichait fièrement des plats faits maison, d’ailleurs les touristes et le tout-Paray (pas encore le tout-Paris) s’y étaient réfugiés, fuyant les nombreuses pizzerias qui voudraient attirer le chaland perdu. On y a bu une sympathique rareté, vue depuis Lyon. Car si à Lyon le pichet de vin blanc que l’on trouve usuellement dans les bars et restaurants est le pot (46 cl) de mâcon, vous n’y trouverez jamais de mâcon rouge. Du côtes-du-rhône, du crozes-hermitage, du saint-joseph, oui, parfois d’autres appellations moins courantes, mais de mâcon rouge en pot je n’ai jamais vu. Étonnant. Je ne vois pas d’explication logique : les caves ou coopératives qui fournissent les restaurateurs lyonnais en mâcon blanc pourraient aussi bien fournir du vin rouge, sans qu’il y ait de différence de prix significative avec les vins habituels, et Mâcon est même plus proche de Tain-l’Hermitage qui inonde Lyon avec les vins rouges précités. Cela changerait du sempiternel « pot de côtes » qui n’est clairement pas ce que l’on boit de meilleur à Lyon.

Pour un peu on aurait repris un petit verre avant de partir de Paray, mais point trop n’en faut ; et l’on conduisait.

lundi 7 janvier 2019

Clamecy

Le centre ville de Clamecy comporte nombre de maisons à colombages anciennes dont les jaunes, bleus et rouges sont parfois osés. La collégiale saint-Martin affirme ses fins traits gothiques triomphants, et la tour unique commencée en 1497 et achevée quelques années plus tard semble une version réduite de la Tour saint-Jacques parisienne, qu’elle précède d’une vingtaine d’années.

On n’avait pas soif, non, on venait directement de Château-Chinon qui n’est qu’à une heure de route. On aurait pourtant pu trouver de quoi boire à Clamecy : nous y sommes passés un dimanche après-midi mais plusieurs commerces étaient ouverts. Si j’étais déloyal, j’écrirais que cela en remontre aux Château-chinonais, je leur recommanderais d’en prendre de la graine. Mais je ne suis pas si vil, et puis le gentilé de Château-Chinon n’est pas suffisamment exotique à mon goût pour qu’on insiste (Castel-canidés en aurait jeté tout de même un peu plus, mais on ne m’a pas consulté) ; enfin, qui serais-je pour exiger qu’une commune de 2000 habitants offre ce qu’une ville deux fois plus peuplée propose ? Non, toute capitale du Haut-Morvan qu’elle est, Château-Chinon ne demande pas tant d’acharnement.

On n’a donc rien bu mais on a vu Clamecy. En regagnant notre voiture garée hors du centre le long de l’Yonne, nous avons prêté attention un instant à l’église Notre-Dame de Bethléem, désaffectée depuis de nombreuses années mais qui se visite apparemment lors des journées du patrimoine. Cet édifice étonnant, avec ses coupoles lui donnant un aspect oriental, est due à l’architecte Georges Théodore Renaud et date de 1926. Dommage qu’on n’ait pas pu entrer ! D’après l’écriteau placé devant l’entrée nous avions sous les yeux la troisième plus ancienne église de France entièrement en béton. La plus ancienne est sans doute l’église du Raincy, d’Auguste Perret (construite en 1923), mais quelle est la deuxième ? Après d’intenses recherches, je ne sais toujours pas. On la trouvera peut-être au cours d’un prochain voyage, sans se rappeler qu’on la cherchait ; il faut avoir confiance en la sérendipité sous-préfectorale.

dimanche 6 janvier 2019

Étampes

La route de Seine-et-Marne à Orléans peut passer par Étampes. Cela faisait des années que je n’y étais venu, depuis le temps de l’enfance où ma mère avait une collègue qui y habitait et que j’ai vue une ou deux fois ; le caractère sous-préfectoral de la ville était tout indiqué pour un arrêt.

La ville est dotée d’un patrimoine architectural et religieux important, résultat de sa longue histoire ; on y verra notamment trois belles églises en plein centre ville, dont Saint-Gilles en rénovation, bien étayée. Plusieurs édifices de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance attendent aussi le touriste amateur de belle pierre.

Mais nous avons eu froid à Étampes et les nombreux lieux fermés ont pressé notre visite. La recherche d’un café fut accélérée par le besoin d’un peu de chaleur et les contingences physiologiques. Le rade où nous atterrîmes était bondé et en tous points typique. Moyenne d’âge 55 ans, essentiellement des messieurs, plusieurs avec un ballon de blanc au comptoir. Il devait être 11h30, jusque là rien que de bien classique. Peu de voix haussées, nous étions lendemain de fête, mais une chaude conversation emplissait la salle tout en longueur de l’établissement. On allait finir nos cafés lorsque Robert s’adressa un peu fort à Germaine, attablée de l’autre côté de l’allée centrale du bistro, avec un regard gourmand dont on ne savait trop s’il était de simple envie ou d’imbibition :

Ce qu’il faudrait qu’on essaie, c’est la Suze royale. J’ai vu ça l’autre jour, t’en a déjà bu ?

Germaine répondit par la négative, le cafetier n’en avait pas et l’échange tourna court. Robert rentra les épaules dans son manteau et se réfugia dans la torpeur de ses pensées. Ainsi va la gloire du soiffard.

samedi 5 janvier 2019

Château-Chinon

Château-Chinon a beau être la capitale du Haut-Morvan, c’est une petite sous-préfecture d’un peu plus de 2000 habitants (ce qui en fait l’une des moins peuplées de France) malgré tout assez déshéritée. Oh, bien sûr, nous la vîmes un pluvieux dimanche 23 décembre, et quelle ville de France de 2000 habitants peut s’enorgueillir d’arborer une joie de vivre à toute épreuve et à la vue des touristes égarés, un dimanche gris d’hiver ? Peu, et malheureusement pas Château-Chinon.

Mais… qu’on y regarde de plus près. On y trouve l’hôtel du Vieux Morvan, site historique ; un musée du Septennat, un musée des arts et traditions populaires du Morvan que nous n’avons pas pris le temps de visiter. L’hôtel de ville est maintenant sis dans l’ancien palais de justice, mignonnet avec ses quatre colonnes et sa façade de poche. Retournez-vous et admirez la fontaine de Tinguely-Saint Phalle, modèle réduit de celle qui se trouve à côté du Centre Pompidou parisien, tentative colorée d’égayer la poste hideuse (des années 1980) aux pieds de laquelle elle est placée. Nous nous sommes écartés de l’hypercentre, revenons dans ses deux ou trois rues un moment. Plusieurs locaux commerciaux sont délaissés, mais quelques belles maisons essaient de donner le change, dont celles de la Caisse d’épargne et de la sous-préfecture, édifices fin XIXe typiques. La sous-préfecture, objet de notre arrêt dans la commune, occupe à elle seule un îlot trapézoïdal. Le bâtiment s’impose fièrement en grosse bâtisse bourgeoiso-administrative, avec ses pierres de taille blanchies à la chaux soulignant les fenêtres et arêtes des murs extérieurs, son mur élevé entourant la cour devant l’entrée, son portail décoré de part et d’autre de nombreux petits drapeaux français, prévenant le visiteur qu’il entre dans un haut lieu de l’État.

Alors, on trouve encore à redire ? Devant le bistro où l’on s’est arrêté boire un demi, l’un des trois ouverts ce jour-là dans la rue principale de la ville, Claudine [le prénom a été modifié afin de préserver l’anonymat, ndlr] arrangeait une jardinière. Elle nous a gentiment annoncé qu’elle pouvait nous servir, malgré l’absence évidente de clients et de lumière dans son établissement. Pourtant, je ne comprends pas, à cette heure-ci des gens viennent prendre l’apéro, nous a-t-elle rassurés de son accent nivernais chaloupé. Nous restâmes seuls une bonne demi-heure avant de repartir sous le crachin morvandiau, souhaitant à notre hôte de bonnes fêtes et réciproquement. Claudine, vos géraniums et Château-Chinon retrouveront un peu de sève au printemps ! Si l’auteur l’avait vue en cette saison, il aurait peut-être critiqué moins vertement cette grosse bourgade perdue dans les forêts.

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